Les solutions du bailleur pour contrer le risque d'impayés

Depuis longtemps, les associations de consommateurs estiment que le sentiment d’insécurité des propriétaires par rapport au risque de loyers impayés est disproportionné face à la réalité économique constatée. 98 % des locataires remplissent bien leurs obligations.

Depuis longtemps, les associations de consommateurs estiment que le sentiment d’insécurité des propriétaires par rapport au risque de loyers impayés est disproportionné face à la réalité économique constatée. 98 % des locataires remplissent bien leurs obligations. Pour autant, elles n’ont de cesse de dénoncer les garanties de plus en plus importantes exigées par les bailleurs et les agences immobilières vis-à-vis des candidats locataires. Même si certaines dispositions ont été renforcées, la loi impose finalement peu de choses aux bailleurs. Il leur arrive donc parfois d’imposer certaines conditions en totale violation des textes législatifs actuels.

Apprécier la solvabilité dans le respect de la vie privée

Les bailleurs demandent généralement que leurs futurs locataires disposent d’un revenu représentant au moins 3 fois le montant du loyer demandé, charges comprises. Même si la pratique a nettement diminué, le rapport était monté à 4 ou à 5 il y a quelques années. Certes, seul un critère économique peut, en principe, justifier de refuser un candidat. Cependant, les bailleurs doivent être prudents sur le critère strictement financier et doivent éviter de produire des motifs de refus qui ne seraient pas fondés sur des raisons objectives. Imposer systématiquement un seuil de ressources minimum pourrait être considéré comme une discrimination de nature à saisir le Défenseur des Droits.

La sélection des candidats se basant principalement sur des critères de revenus, les bailleurs pourraient aussi être tentés de contacter les employeurs afin de vérifier la fiabilité des informations fournies, certains candidats peu scrupuleux falsifiant leurs feuilles de salaire ou leur avis d'imposition. La pratique est normalement interdite, tout comme celle qui consisterait à interroger la banque du locataire, laquelle est d'ailleurs tenue au secret professionnel.

Afin de lutter contre les dérives, la liste des documents pouvant être demandés au candidat locataire est expressément délimitée aux pièces suivantes :

  • une pièce justificative d’identité : carte nationale d’identité, passeport, permis de conduire ou document justifiant d’un droit de séjour ;
  • une seule pièce justificative de domicile : 3 quittances de loyer de l’ancien domicile, attestation du précédent bailleur, attestation sur l’honneur d’hébergement, dernier avis de taxe foncière ou titre de propriété d’une résidence principale ;
  • un ou plusieurs documents attestant de l’activité professionnelle : contrat de travail, attestation de l’employeur, extrait K-bis ou du registre des métiers, carte professionnelle, etc. ;
  • un ou plusieurs documents attestant des ressources : dernier ou avant-dernier avis d’imposition ou de non-imposition, 3 derniers bulletins de salaire, 2 derniers bilans comptables s’agissant d’un travailleur indépendant, justificatif de versement d’indemnités, retraites ou pensions, justificatif de revenus fonciers ou de revenus de capitaux mobiliers, etc.

À l’inverse, le bailleur ne pourra réclamer :

  •  une simple photographie d’identité,
  • la carte d’assuré social,
  • le dossier médical personnel,
  • une copie des relevés de compte bancaire ou postal ou une attestation de bonne tenue de compte,
  • une attestation d’absence de crédit en cours,
  • une autorisation de prélèvement automatique,
  • une copie du contrat de mariage ou d’un jugement de divorce,
  • un extrait du casier judiciaire.

Le bailleur qui demande au locataire un document qui ne serait pas explicitement autorisé par la loi s’expose à une amende administrative pouvant atteindre, au terme d’une procédure contradictoire, 3 000 € au maximum (15 000 €, s’agissant d’une personne morale).

Demander un dépôt de garantie

Souvent confondu avec la caution, le dépôt de garantie correspond au versement d'une somme d'argent effectué par le futur locataire, garantissant ainsi ses obligations à venir. Cette somme servira le cas échéant à couvrir les loyers impayés et les éventuels dommages constatés à la fin du bail. Le principe du dépôt de garantie n’est pas obligatoire, mais lorsqu’il est prévu dans le contrat de bail, le montant exigé ne peut pas être supérieur à un mois de loyer hors charges, et ce, quels que soient les revenus du locataire ou la localisation de l'appartement. Il est restitué lors du départ du locataire, amputé, le cas échéant, des sommes que celui-ci doit au bailleur.

Bon à savoir

Le dépôt de garantie ne porte pas intérêt au profit du locataire et il ne peut faire l’objet d’aucune révision, même lors du renouvellement du bail.

Comme le dépôt de garantie constitue une dépense importante pour de nombreux candidats à la location et qu'il s'ajoute à d'autres frais inhérents à l'installation, le locataire peut demander une aide par le biais du Fonds de solidarité pour le logement. Il en existe un par département et les conditions d’attribution peuvent varier ; il convient donc de se renseigner auprès de la préfecture du département ou de la caisse d’allocations familiales.

Des offres bancaires pour les jeunes qui s'installent peuvent parfois comprendre l'avance d'un dépôt de garantie, sans intérêt ou avec un taux préférentiel.

Récupérer l’aide au logement

Si le locataire a droit à l'aide au logement (AL), le bailleur peut demander qu'elle lui soit versée directement. En contrepartie, l'aide est déduite du montant du loyer. La demande de tiers payant, qui peut intervenir à l’entrée du locataire ou à tout moment au cours du bail, ne nécessite pas l’accord du locataire, mais il est recommandé tout de même de le prévenir. Attention, pour le bailleur, la mise en place du système de tiers payant lui impose de respecter l’obligation qui lui est déjà faite par la loi de louer un logement décent, répondant à des normes de confort et de sécurité. La Caf est habilitée à vérifier, par une visite sur place, le respect des normes de décence.

Si le locataire a droit à l'aide personnalisée au logement (APL), le système du tiers payant est automatiquement appliqué au bénéfice du bailleur.

Exiger une caution

La caution est un acte très sérieux pour celui qui accepte de s'engager : la personne qui se porte caution paiera en effet les loyers en cas de défaillance du locataire. La caution doit généralement répondre aux mêmes critères de solvabilité que ceux exigés pour le locataire.

Ce type de garantie est très souvent demandé par les bailleurs. La garantie n’est toutefois pas toujours facile à mettre en œuvre. Le bailleur doit respecter certaines règles (contrat écrit, mentions obligatoires, etc.) pour que l'acte de caution ne soit pas déclaré nul. Lorsque le garant refuse de payer, le bailleur doit engager une action en justice pour récupérer son dû. La procédure peut être longue et coûteuse…

Certaines banques peuvent accepter de se porter caution, mais à des conditions souvent contraignantes pour le locataire. Ce type de garantie est donc peu utilisé.

Colocation : clause de solidarité

Lorsque plusieurs personnes prennent en location un même bien, le bailleur peut exiger un engagement solidaire des colocataires. La solidarité renforce les chances de paiement puisqu’elle permet au bailleur de demander à un seul des colocataires le paiement de la totalité du loyer. La clause prévoyant la solidarité doit être expressément prévue dans le contrat de bail.

À maintes reprises, les pouvoirs publics ont tenté de mettre en place des solutions permettant de simplifier l’accès au mécanisme de la caution. La dernière en date : la garantie Visale, dispositif gratuit de caution proposé par Action Logement, organisme en charge des fonds du "1 % logement". Visale dispense le locataire de présenter une caution à son propriétaire. En cas d’impayé, Action Logement assure au bailleur le remboursement des loyers impayés et met en place avec le locataire un remboursement des sommes versées au bailleur selon un échéancier aménagé en fonction de sa situation financière.

Peuvent être couverts par la garantie Visale :

  • tous les locataires de moins de 30 ans, quelle que soit leur situation professionnelle,
  • les salariés de plus de 30 ans d’une entreprise du secteur privé ou agricole dont la demande de garantie Visale intervient jusqu’à 6 mois après leur prise de fonction quel que soit leur contrat de travail (CDI durant la période d’essai, CDD, interim, etc.),
  • tout public éligible au bail mobilité,
  • ainsi que les ménages logés par un organisme d’intermédiation locative.

Le logement couvert par une garantie Visale doit être loué ou sous-loué nu ou meublé à titre de résidence principale et le loyer mensuel, charges comprises, ne doit pas dépasser, pour le cas général, 50 % du revenu du locataire et 1 500 € dans Paris intramuros et 1 300 € sur le reste du territoire.

La garantie permet de couvrir tous les loyers et charges impayés, dans la limite de 36 mensualités impayées. Visale prend également en charge les procédures de recouvrement et les éventuelles dégradations locatives (frais de remise en état du logement, à l’exclusion des frais de remise en état du mobilier) dans la limite de 2 mois de loyer et charges pour un logement du parc privé.

L’adhésion au dispositif Visale doit être réalisée avant la signature du bail. L’initiative de recourir à cette caution peut autant revenir au locataire qu’au bailleur. Pour que la garantie soit activée, l’un et l’autre doivent obtenir un visa. Attention, le bailleur ne peut pas souscrire pour la période du bail une autre garantie pour les risques couverts par le dispositif Visale, à savoir la caution d’une personne physique ou morale ou un contrat d’assurance "loyers impayés", sous peine de nullité du visa obtenu.

S’Assurer

Les assurances pour loyers impayés garantissent la défaillance du locataire par le versement d'une indemnité déductible du revenu foncier brut du bailleur. Elles couvrent souvent d'autres risques tels que le départ sans préavis ou les travaux de remise en état et prennent en charge la protection juridique et les frais divers (huissier, expulsion, etc.). Le tarif d’une telle assurance est généralement dissuasif, surtout s’il est souscrit à titre individuel. Il varie au mieux autour de 2,5 % du montant du loyer mais peut atteindre 5 %. Les assurances de loyers impayés sont généralement souscrites par les propriétaires qui confient la gestion de leur bien à un professionnel, le contrat de groupe choisi par l’intermédiaire immobilier, étant en principe moins onéreux qu’un contrat individuel.

Paradoxalement, peu de propriétaires souscrivent ce genre d’assurance. Beaucoup louent pendant des années sans connaître le problème de loyers impayés et estiment que le tri opéré parmi les candidats à l’entrée suffit à se prémunir. Le risque étant rare, par conséquent, l’idée de souscrire une telle assurance, quasiment à fonds perdus, rebute.

Les dispositions de la loi de 1989 sur les rapports locatifs expliquent aussi certainement le faible recours à l’assurance. Les bailleurs ont généralement plus souvent recours à la caution et l’article 22 de la loi empêche le bailleur de demander un cautionnement s’il a également souscrit une assurance ou toute autre forme de garantie couvrant les obligations du locataire, sauf lorsque le logement est loué à un étudiant ou un apprenti. A défaut, le contrat de cautionnement serait frappé de nullité. En la matière, le bailleur doit donc étudier la solution qui lui paraît la mieux adaptée.

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