Récupérer son épargne bloquée, est-ce possible ?

Une baisse importante de revenus ou un projet à financer peuvent inciter à récupérer tout ou partie d’une épargne normalement bloquée pour un certain nombre d’années. Le déblocage anticipé de cette épargne est, en principe, toujours possible. En revanche, il induit des conséquences financières et / ou fiscales qu’il convient de connaître avant de prendre une décision.

Le fonctionnement simple des livrets d’épargne est bien connu de tous. L’épargne inscrite sur le livret A, ou sur ses cousins, le livret de développement durable et solidaire et le livret d’épargne populaire, peut être récupérée à tout moment. Le compte épargne logement (CEL) bénéficie de la même facilité, un retrait avant 18 mois entraînant toutefois une perte des droits à prêt.

Il en est autrement des formules de placement, comme le plan d'épargne en actions (PEA), l’assurance-vie, l’épargne salariale ou l’épargne retraite, qui engagent l’épargnant sur une période plus ou moins longue, au cours de laquelle les avoirs ne sont théoriquement pas disponibles. Cependant, contrairement aux idées reçues, il est possible de récupérer tout ou partie de son argent durant cette période de blocage. Cela étant, selon le type de placement, les règles de retrait ou de rachat varient, de même que les conséquences financières – clôture de plan, pénalités, taux de rémunération réduit – et fiscales, l’imposition sur le revenu étant généralement alourdie dès lors que la durée minimale de blocage des avoirs n’est pas tenu.

Point non négligeable à prendre en considération : il n’est pas obligatoire de justifier d’un motif pour procéder à la reprise de son épargne bloquée. Cependant, pour certains placements, des motifs particuliers, comme l’invalidité ou la cessation d’activité, peuvent être invoqués afin d’éviter les conséquences négatives du retrait anticipé.

Comptes à terme et PEL : pas de garde-fous contre les retraits anticipés

Le retrait des sommes d’un compte à terme ou d’un plan d’épargne logement (PEL), pour lesquels l’engagement de l’épargnant est relativement de court terme, entraîne ipso facto des pénalités.

Le compte à terme est un compte rémunéré ouvert auprès d’une banque ou d’un établissement financier sur lequel le déposant place des fonds en principe indisponibles avant une date déterminée contractuellement lors de son ouverture. Les modalités et les conséquences d’un retrait anticipé, total ou partiel, sont fixées dans la convention de compte. Une pénalité peut être prévue. En pratique, selon les contrats et la date du retrait, la pénalité passe généralement par une minoration du taux d’intérêt prévue ou la perte des intérêts.

Pour le PEL, rappelons que les sommes qui y figurent sont en principe indisponibles pendant la phase d’épargne dont la durée minimale est de 4 ans. Selon le temps écoulé depuis l’ouverture, un retrait anticipé entraîne la résiliation d’office du plan, une diminution du taux d’intérêts et a, dans certains cas, une incidence fiscale.

Ainsi, sur le plan financier, dès lors que le retrait est opéré au cours des 3 premières années, le PEL est résilié et le titulaire perd son droit à prêt et à l’éventuelle prime d’épargne versée par l’État. Les fonds sont rémunérés au taux d’intérêt du compte épargne logement – 0,25 % actuellement, au lieu du taux contractuel du PEL de 1 % – si le retrait est effectué au cours des 2 premières années. S’il est effectué au cours de la 3e année, le taux contractuel est maintenu. Dans le cas où le retrait est effectué au cours de la 4e année, l’éventuelle prime d’État est réduite de moitié et le droit à prêt reste acquis, mais son calcul intègre les intérêts arrêtés au terme de 3 ans.

Sur le plan fiscal, les intérêts des PEL ouverts depuis 2018 sont, dans les conditions de droit commun et comme ceux des comptes d’épargne logement, imposables au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 12,8 %, sauf option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu (IR), auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux. Le retrait anticipé n’a aujourd’hui aucune incidence particulière. S’agissant de PEL ouverts jusqu’en 2017 et qui seraient amenés à être clôturés au cours de leur troisième ou quatrième année, les intérêts sont exonérés.

L’invalidité, motif récurrent pour faciliter un retrait anticipé de l’épargne long terme

Dès lors que l’épargnant s’engage sur une longue période – 5 ans et plus – le législateur a prévu des cas de déblocage de l’épargne. La mise en invalidité, en principe de 2e ou 3e catégorie, est le premier de ces motifs. Il peut être invoqué autant pour le PEA et l’assurance-vie que pour l’épargne salariale ou l’épargne retraite. Les motifs professionnels – selon les placements, on parle du licenciement, de l’expiration des droits à l’assurance chômage ou de la création d’entreprise – constituent une autre série de motifs récurrents, de même que le surendettement. Les motifs familiaux (naissance, mariage, etc.) permettent seulement le déblocage en franchise d’impôt des sommes inscrites sur un PEE. Enfin, l’acquisition de la résidence principale ou les travaux conséquents qui peuvent y être effectués peuvent être invoqués dans le cadre de l’épargne salariale et de l’épargne retraite.

PEA : tenir 5 ans

Un retrait partiel ou total effectué avant l’expiration de la 5e année d’un plan d’épargne en actions (PEA) entraîne sa clôture, sauf s’il est motivé par un licenciement, une mise à la retraite anticipée, une situation d’invalidité ou par la création ou la reprise d’une entreprise, le transfert des fonds devant, dans ce cas, intervenir dans les 3 mois. Les retraits partiels au cours des 5 premières années du plan pour motif personnel – licenciement, invalidité, retraite anticipée – n’empêchent pas le maintien en fonctionnement du plan ; les versements peuvent continuer d’être réalisés.

Ajoutons qu’une disposition intéressante de la "loi Pacte" du 22 mai 2019 permet maintenant un retrait partiel de fonds d’un plan ayant au moins 5 ans sans entraîner corrélativement la clôture du plan ou le blocage de nouveaux versements.

Sur le plan fiscal, les gains (revenus et plus-values) des placements effectués dans le cadre du plan, de même que le gain net réalisé à la clôture sont exonérés d’impôt sur le revenu lorsque l’épargne est conservée au moins 5 ans. De ce fait, un retrait total ou partiel des fonds du plan au-delà de 5 ans est sans conséquence sur le plan fiscal. En revanche, les prélèvements sociaux restent dus. À l’inverse, lorsque que le retrait est effectué au cours des 5 premières années, le gain net constaté est soumis au PFU (12,8 %) ou, sur option, au barème progressif de l’IR, et aux prélèvements sociaux (17,2 %).

Assurance-vie : opérer un rachat ou opter pour une avance

La durée d’un contrat d’assurance-vie s’entend de la période pendant laquelle les parties sont tenues de respecter leurs engagements réciproques. Elle est fixée au contrat et la loi n’impose, en la matière, ni durée minimale ni durée maximale. Dès lors que le contrat est rachetable, l’assureur ne peut s’opposer au rachat. À partir de là, divers points doivent être considérés et étudiés attentivement par le souscripteur qui souhaite racheter son contrat.

En premier lieu, selon les contrats souscrits et les investissements opérés – fonds en euros et / ou unités de compte –, la question de l’opportunité du rachat doit être posée. Autrement dit, est-ce le bon moment de céder des unités de compte si la conjoncture au moment du rachat ne leur est pas favorable et que le cours est au plus bas ? Par ailleurs, les contrats investis exclusivement dans les fonds en euros comportent généralement une garantie de rémunération acquise dès lors que l’investissement est maintenu pendant une certaine durée, généralement 8 ans ou 10 ans. Par conséquent, l’engagement de l’assureur est susceptible d’être remis en cause si le rachat est opéré avant terme. En outre, des frais de rachat peuvent aussi venir grever les fonds à récupérer. Précisons que l’opération de rachat partiel est généralement soumise à deux minima : un montant minimal de rachat et une somme minimale devant être laissée sur le contrat.

La fiscalité peut aussi venir pénaliser le rachat anticipé d’un contrat d’assurance-vie, selon la date à laquelle il est effectué. La fiscalité de l’assurance-vie est extrêmement complexe. Retenons principalement qu’au lieu d’un prélèvement au titre de l’impôt sur le revenu de 7,5 %, après un abattement de 4 600 € pour une personne seule ou 9 200 € pour un couple, appliqué si le contrat a au moins 8 ans d’existence, le taux du prélèvement sur le gain constaté lors du rachat effectué avant 8 ans passe à 12,8 %, voire, lorsqu’il s’agit de capitaux versés avant le 27 septembre 2017, à 15 % pour un contrat ayant entre 4 et 8 ans ou à 35 % pour un contrat ayant moins de 4 ans.

Cependant, si le dénouement, effectué dans les 8 premières années du contrat, est motivé par un licenciement, la mise à la retraite anticipée ou une situation d’invalidité – la mise en invalidité du conjoint étant incluse –, le gain constaté est exonéré d’impôt sur le revenu. Les prélèvements sociaux restent applicables, sauf en cas d’invalidité.

Lorsque le contrat le prévoit, le système de l’avance peut constituer une alternative au rachat partiel. Le principe consiste, pour l’assureur qui l’accepte, de prêter au souscripteur une fraction des fonds investis dans la limite de la valeur de rachat du contrat. Le montant de l’avance est normalement limité à 80 % de la valeur de rachat pour les contrats en euros et à 60 % pour les contrats en unités de compte. L’avance est assortie d’un taux d’intérêt et le remboursement doit intervenir généralement dans un délai raisonnable. Sur le plan fiscal, l’avance, qui n’est donc pas considérée comme un rachat, ne donne lieu à aucune imposition.

Épargne salariale : une liste encadrée de motifs de déblocage anticipé

Les sommes logées dans un plan d’épargne entreprise (PEE) doivent rester bloquées pendant 5 ans (8 ans, dans certaines situations) pour bénéficier du régime fiscal de faveur, à savoir une exonération d’impôt sur le revenu des sommes perçues au titre de la participation et de l’intéressement et des gains acquis dans le cadre du plan. Les prélèvements sociaux restent dus. À défaut de respecter le délai d’indisponibilité, le gain constaté lors du retrait des fonds est imposable au titre des revenus mobiliers (PFU ou, sur option, imposition au barème de l’IR + prélèvements sociaux).

En cas de survenance de certains événements familiaux ou professionnel, les droits peuvent néanmoins être liquidés avant l’expiration du délai d’indisponibilité à la demande du salarié, partiellement ou totalement et en totale franchise d’impôt sur le revenu. La liste de ces événements est strictement limitée :

  •  mariage ou conclusion d’un PACS par l’intéressé,
  •  naissance ou adoption, dès lors que le foyer de l’intéressé compte déjà au moins 2 enfants,
  •  divorce, séparation ou dissolution du PACS, lorsque la résidence habituelle ou partagée d’au moins 1 enfant est fixée par jugement au domicile de l’assuré,
  •  violences conjugales ayant entraîné la délivrance d’une ordonnance de protection au profit de l’intéressé ou ayant donné lieu à une décision judiciaire,
  •  invalidité du salarié, de son conjoint ou partenaire pacsé, ou encore de ses enfants,
  •  décès du salarié, de son conjoint ou partenaire pacsé,
  •  cessation du contrat de travail,
  •  affectation des sommes épargnées à la création ou reprise d’une entreprise par le salarié, ses enfants, son conjoint ou son partenaire pacsé,
  •  affectation des sommes épargnées à l’acquisition ou l’agrandissement de la résidence principale ou à sa remise en état en cas de dommages consécutifs à une catastrophe naturelle,
  •  surendettement du salarié.

Épargne retraite : indisponibilité jusqu’à la retraite et une liste encadrée de motifs de déblocage anticipé

L’épargne retraite engage par principe le titulaire d’un contrat ou d’un plan sur une très longue période, normalement jusqu’au départ à la retraite. Jusqu’à l’instauration du nouveau plan d’épargne retraite (PER) par la "loi Pacte", les possibilités de déblocage étaient diverses selon les solutions existantes (voir tableau ci-dessous). Le PERP, le contrat Madelin, le PERCO ne pourront respectivement plus être souscrits ou mis en place à compter du 1er octobre prochain. Le PER, qui a pris la relève de ces formules depuis le 1er octobre 2019, dispose de règles uniformes, que l’épargnant souscrive ou y adhère à titre individuel ou dans le cadre de l’entreprise.

Épargne retraite : motifs déblocage anticipé des avoirs

Anciennes formules

PERP / Contrats Madelin / contrats "article 83" / PERCO

Par principe : indisponibilité des sommes jusqu'à la retraite (ni rachat ni avance), sauf pour les motifs suivants :

  • décès du conjoint ou du partenaire pacsé,
  • invalidité de 2e ou 3e catégorie du titulaire,
  • situation de surendettement,
  • expiration des droits du titulaire à l’assurance chômage,
  • absence de contrat de travail ou de mandat social depuis au moins 2 ans pour pour les personnes ayant exercé des fonctions non renouvelées ou révoquées d’administrateur, de membre du directoire ou de membre du conseil de surveillance,
  • cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire.

Dans le cadre du PERP, rachat possible de contrats de faible valeur, sous conditions de ressources.

Dans le cadre du PERCO, rachat possible en cas d'acquisition de la résidence principale de ou remise en état de celle-ci à la suite d'une catastrophe naturelle.

Nouveau cadre juridique

PER individuel / PER entreprise

  • Décès du conjoint ou du partenaire pacsé.
  • Invalidité de 2e ou 3e catégorie du titulaire, de ses enfants, de son conjoint ou de son partenaire pacsé.
  • Situation de surendettement.
  • Expiration des droits du titulaire à l’assurance chômage.
  • Absence de contrat de travail ou de mandat social depuis au moins 2 ans pour pour les personnes ayant exercé des fonctions non renouvelées ou révoquées d’administrateur, de membre du directoire ou de membre du conseil de surveillance.
  • Cessation d’activité non salariée à la suite d’un jugement de liquidation judiciaire.
  • Acquisition de la résidence principale (pour les seuls droits résultant de versements volontaires).

© Copyright Editions Francis Lefebvre