Changer de régime matrimonial : est-ce possible ?

Le changement doit respecter l'intérêt de la famille

Le changement doit respecter l'intérêt de la famille

Que l'on soit marié sans contrat de mariage (régime légal) ou que l'on ait adopté un régime spécifique, tout régime matrimonial peut être modifié ou aménagé. La volonté de changement peut notamment avoir pour objet le remplacement d’un régime de communauté par un régime de séparation lorsque, par exemple, l’un des époux désirant ouvrir un commerce ou créer une entreprise cherche à mettre son conjoint à l’abri des conséquences patrimoniales d’un éventuel échec. Le changement peut aussi être motivé pour des raisons successorales et faciliter un héritage. En effet, il n'est pas rare que des époux, en fin de vie commune, adoptent un régime de communauté universelle incluant une clause d'attribution intégrale afin d'assurer l'avenir du conjoint survivant tout en simplifiant la procédure de transmission des biens.

Des règles de fond à respecter

La loi de réforme de la justice du 23 mars 2019 a supprimé le délai de 2 ans que devaient respecter auparavant les époux à partir du début du mariage ou d'un précédent changement pour entreprendre une modification du régime matrimonial. Cependant, les époux doivent toujours respecter certaines règles de fond.

La première d'entre elles vise au respect, somme toute logique, du consentement des deux époux au jour de la conclusion du contrat modificatif ou au jour de son homologation par le juge, si celle-ci est requise. Deuxième règle, il ne doit pas y avoir fraude, c’est-à-dire atteinte grave et anormale aux droits des tiers. Ainsi, ne peut-on pas obtenir un changement de régime matrimonial si l'opération consiste à organiser l’insolvabilité du mari dans la crainte d’une faillite imminente.

Reste la règle générale : l’article 1397 du Code civil exige expressément que les époux, qui souhaitent modifier leur régime matrimonial, doivent agir dans l’intérêt de la famille. Par intérêt de la famille, il faut entendre celui du couple et de ses enfants. Cependant, le seul fait que l’un des membres de la famille risque de se trouver lésé n’interdit pas nécessairement la modification envisagée. Ainsi a-t-il été jugé :

  • qu’un changement ayant pour objet d’éviter le paiement des droits de succession au premier décès était conforme à l’intérêt de la famille et non entaché de fraude ;
  • que l’option pour un régime de communauté universelle avec attribution intégrale de la succession au survivant n’était pas contradictoire avec l’intérêt des familles, bien qu’il soit de nature à retarder la prise de possession par les enfants d’une part du patrimoine familial. Le tribunal apprécie le caractère licite d’une telle option au cas par cas.

Pour la forme : un acte notarié, la publicité et une éventuelle homologation judiciaire

Il ne peut être apporté de changement au régime matrimonial que par l’effet d’un acte notarié. À ce titre, il revient au notaire, dont la responsabilité sera engagée en cas de négligences, d'apprécier la nécessité du changement du régime et de s'assurer que toutes les conditions sont réunies (consentement, intérêt de la famille, absence de fraude, etc.).

L'acte de changement de régime matrimonial est ensuite porté à la connaissance :

  • des enfants majeurs des époux et des personnes qui ont participé au contrat initial, par la voie d'une information qui leur est personnellement adressée,
  • et des créanciers des époux par la publication d'un avis dans un support habilité à recevoir des annonces légales.

Dès lors qu'ils sont informés, tous disposent de 3 mois pour s'opposer à la modification.

Le cas échéant, trois situations imposent de saisir le juge aux affaires familiales afin qu'il homologue la convention modificative :

  • en cas d'opposition d'une partie au contrat de mariage modifié, d'un enfant majeur des époux ou d'un créancier,
  • en cas de présence d'enfant mineur sous tutelle si le tuteur s'oppose au changement de régime,
  • en cas de présence d'enfant mineur sous administration légale pour lequel le notaire a décidé de saisir le juge des tutelles parce qu'il lui semble que les intérêts patrimoniaux du mineur puissent être compromis.

L'assistance d'un avocat est ici obligatoire. La procédure de changement s'en trouvera allongée de plusieurs mois supplémentaires, environ 10 mois.

Bon à savoir

En cas de refus de l'homologation par le juge, les époux peuvent faire appel et, le cas échéant, se pourvoir en cassation.

Une fois le changement de régime devenu définitif, après épuisement du délai pour faire opposition ou pour contester le jugement d'homologation, la modification fait l’objet d’une mention en marge de l’acte de mariage des époux. Elle est également mentionnée sur l’original du contrat de mariage modifié.

Les suites du changement

Des conséquences à l’égard des époux et des enfants

Le changement de régime prend effet entre les parties au jour de l’acte notarié ou, le cas échéant, du jugement d'homologation qui le prévoit.

Le changement ne constitue jamais un motif de résiliation des donations que s'étaient consenties les époux dans le contrat de mariage. La question n'est pas complètement tranchée, mais c'est également le cas semble-t-il des donations antérieures faites aux époux, même si le changement entraîne une modification du sort des biens donnés, par exemple, un bien propre, reçu par donation, devenant un bien commun par l'effet de l'adoption d'un régime communautaire.

Par ailleurs, le changement de régime matrimonial influera autant sur les droits successoraux des enfants que sur le montant total des droits de succession qu'ils auront à supporter. Par exemple, l'adoption d'un régime communautaire permettra de faire entrer un bien dans la communauté qui pourra, par la suite, être donné par les deux parents, les enfants bénéficiant deux fois de l'abattement en ligne directe. À l'inverse, l'adoption d'un régime de communauté universelle avec clause d'attribution intégrale aura pour effet de retarder la transmission du patrimoine global, les enfants bénéficiant, dans ce cas, de l'abattement en ligne directe et de l'application du barème progressif une seule fois seulement, d'où des droits fiscaux globalement plus élevés à patrimoine égal par ailleurs. L'intervention du notaire aura pour but d'aider les époux à faire leur choix en toute connaissance de cause avant de s'engager dans une procédure de changement de régime matrimonial.

Des conséquences à l’égard des tiers

À l’égard des tiers, le changement de régime matrimonial prend effet 3 mois après son inscription en marge de l’acte de mariage. Tous les actes passés avant expiration de ce délai ou en l’absence de cette inscription leur sont inopposables, sauf si les époux ont déclaré avoir modifié leur régime matrimonial dans les actes passés avec eux.

Lorsque le changement de régime constitue une manœuvre frauduleuse des époux, dans le but d’échapper à leurs créanciers, ces derniers peuvent agir en justice pour faire valoir leurs droits.

Des frais non négligeables à prendre en compte

Le changement de régime matrimonial entraîne des frais qui varient selon l’importance du patrimoine du ménage :

  • frais de notaire pour l’établissement du nouveau contrat de mariage (de l'ordre de 460 €, auxquels peuvent s'ajouter des frais d'analyse et de conseil très variables selon la complexité du dossier),
  • frais d’avocat pour l’homologation devant le tribunal (de l'ordre de 2 500 € en région parisienne),
  • frais de publicité du jugement (environ 350 €),
  • coût de la liquidation du régime matrimonial et, le cas échéant, le coût du partage en cas d'adoption d'un régime de séparation de biens,
  • émoluments dus sur l'attestation immobilière constatant le changement de statut d'un bien.

S'agissant de l'enregistrement et de la publicité foncière, les droits exigibles sont constitués d'un droit fixe de 125 € et d'une taxe de publicité foncière, calculée sur la valeur des biens ou droits immobiliers, au taux global de 0,71498 %. En outre, le droit de partage en cas d'adoption d'un régime de séparation de biens est de 2,5 % depuis 2011. À noter qu'il pourrait à nouveau être abaissé à 1,1 % en 2020, selon un amendement au projet de loi de finances pour 2020.

© Copyright Editions Francis Lefebvre