Day-trading et boursicotage actif : régime d'imposition des plus-values

Dès lors qu'il est pratiqué à titre privé, le boursicotage répété n'entraîne normalement pas de modification du régime d'imposition des gains obtenus. Il en est autrement si les transactions sont réalisées dans des conditions analogues à celles d'un professionnel. L'Administration se prononce au cas par cas.

L'essor du courtage en ligne via Internet depuis le début des années 2000, puis l'apparition des crypto-actifs ces dernières années, ont permis d'augmenter plus facilement qu'auparavant le rythme des mouvements sur un portefeuille au cours d'une année, voire dans une seule journée (day-trading). Pour certains particuliers, la simple gestion en bon de père de famille s'est ainsi transformée en boursicotage intense. Pour autant, en pareille situation, les règles d'imposition des plus-values générées lors des cessions des titres ne sont normalement pas modifiées. Le prélèvement forfaitaire unique, ou PFU, demeure la règle de droit commun applicable, sauf cas particuliers, assez marginaux, où les gains sont imposés selon le régime des bénéfices non commerciaux (BNC).

Application du PFU, par principe

Les plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières sont soumises de plein droit, et dès le premier euro, au prélèvement forfaitaire unique (PFU), aussi appelé "flat tax". Le taux du prélèvement est de 12,8 %, auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux au taux global de 17,2 %, soit une taxation totale de 30 %.

Ces gains peuvent toutefois, sur option du contribuable, être soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu. L'option doit être exercée chaque année lors du dépôt de la déclaration de revenus. L'option est globale et concerne l'ensemble des revenus susceptibles d'être soumis au PFU. Il n'est donc pas possible de combiner au titre d'une même année l'imposition selon le barème progressif pour certains revenus ou gains et l'imposition au PFU pour d'autres.

Imposition selon le régime des BNC, de manière exceptionnelle

Le développement de la bourse en ligne tout au long des années 2000 a facilité la transmission des ordres de bourse et a permis d'améliorer la réactivité des particuliers face aux évolutions des marchés. La multiplication des opérations et l'utilisation d'outils de gestion quasi-professionnelle ont obligé l'Administration à progressivement préciser les critères qui peuvent l'amener, le cas échéant, à requalifier les gains obtenus en bénéfices non commerciaux, et donc à les imposer comme tels.

La législation permet, en effet, d'assujettir à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), d'une part, certains profits non expressément déterminés, dès lors qu'ils proviennent d'opérations lucratives (article 92, 1 du Code général des impôts), et, d'autre part, les gains résultant d'opérations de bourse "effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations" (article 92, 2-1° du Code général des impôts).

S'agissant des opérations de bourse, l'imposition selon les BNC reposait jusqu'en 2001 sur le caractère habituel des opérations, apprécié selon divers critères, notamment le nombre et la fréquence des opérations, leur nature et la technicité qu'elles requéraient, la diversité des titres négociés ou encore la durée moyenne de conservation des titres. Le Conseil d'État fut amené à préciser la règle, par le biais de quatre décisions : CE 14.02.2011 n° 189572, 03.02.2003 n° 232040, 25.04.2003 n° 231084 et 05.11.2003 n° 241201. Il ainsi jugé que les opérations de bourse effectuées à titre habituel devaient être réalisées dans des conditions similaires à celles opérées par les personnes agissant à titre professionnel. La législation fut modifiée sur cette base à partir de 2004, la référence au caractère habituel des opérations ayant été retirée de l'article du CGI.

Exemples

Furent imposés selon le régime des BNC :

  • un contribuable qui exerçait la profession de remisier en bourse et bénéficiait ainsi de l'ensemble des moyens et informations mis à la disposition d'un professionnel. Il avait conclu avec une banque un contrat lui permettant de participer à ses côtés tant à l'élaboration qu'à l'exécution d'opérations financières, et réalisait de ce fait des opérations caractérisées par leur ampleur, leur diversité, leur fréquence et leur technicité (ventes à terme, technique du report) ;
  • un contribuable, commis principal d'agent de change, qui utilisait à des fins privées les moyens mis à sa disposition dans le cadre de son activité professionnelle pour réaliser des opérations caractérisées par leur ampleur et la brièveté de durée de détention des titres.

Les critères d'appréciation de l'activité exercée à titre professionnel sont examinés au cas par cas. Cela étant, dans sa base documentaire, l'administration fiscale estime que constituent des critères essentiels la détention, la maîtrise et l'usage d'informations et de techniques d'interventions spécialisées, ainsi que la recherche organisée au profit d'opérations boursières nombreuses et sophistiquées (couverture, report, etc.).

En outre, le montant des gains retirés des opérations de bourse doit être apprécié par rapport aux autres revenus du contribuable, particulièrement ceux retirés d'activités professionnelles. Cependant, le fait que les gains réalisés soient supérieurs aux revenus professionnels du contribuable n'est pas, en lui-même, suffisant pour qualifier le contribuable d'opérateur habituel.

Enfin, les opérations de bourse doivent être réalisées personnellement par le contribuable. Lorsque la gestion du portefeuille est confiée par mandat à un tiers et que l'on peut considérer que le contribuable n'est pas partie prenante aux décisions concernant la gestion du portefeuille, les plus-values réalisées ne sont normalement pas imposables aux BNC. Sur ces points, l'appréciation de cette situation résulte du mandat conclu et des conditions de réalisation de ces opérations.

Actifs numériques : alignement sur le régime des valeurs mobilières

Relèvent aussi de la catégorie des BNC :

  • les produits des opérations réalisées à titre habituel sur des instruments financiers à terme,
  • et, depuis la loi de finances pour 2022, les produits des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d'opérations (article 92, 2-1° bis du Code général des impôts). Précisions que les cessions d'actifs numériques qui n'excèdent pas 305 € au cours d'une année d'imposition sont exonérées et n'ont donc pas à être déclarées.

En pratique, l'administration cantonne le régime des BNC à des hypothèses marginales. La taxation selon ce régime revêt par conséquent un caractère exceptionnel. L'utilisation même fréquente de l'outil informatique, du réseau Internet et du courtage en ligne pour gérer son portefeuille, ne constitue pas en elle-même un critère suffisant pour qualifier ces gains comme relevant de bénéfices non commerciaux.

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