Divorce : les pensions alimentaires versées aux enfants en 10 questions
Les deux parents doivent pourvoir aux besoins de leurs enfants et à leur éducation. En cas de divorce, le parent qui a la garde de l'enfant remplit ses obligations en assurant leur quotidien. L'autre parent y satisfait en versant une contribution financière. Tour d'horizon sur un sujet source de nombreux contentieux.
1 - Quel est le principe de la pension alimentaire et peut-on s'y soustraire ?
Plusieurs articles du Code civil posent le principe d'une obligation d'entretien des enfants par leurs parents. L'article 203 fixe une obligation unilatérale : "Les époux contractent ensemble, par le seul fait du mariage, l'obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants". Le principe est renforcé par l'article 371-2 : "Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent, ainsi que des besoins de l'enfant. Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur."
Par conséquent, la mise en service d'une pension alimentaire au bénéfice des enfants en cas de divorce des parents participe de cette obligation. De ce fait, le fait de rester volontairement plus de 2 mois sans payer la pension alimentaire est constitutif du délit d'abandon de famille, lequel peut être puni par 2 ans d'emprisonnement et une amende de 15 000 € (article 227-3 du Code pénal).
Par ailleurs, le débiteur de la pension organisant frauduleusement son insolvabilité (augmenter sciemment ses dettes, organiser son appauvrissement, dissimuler ses revenus ou ses biens) peut aussi être puni de 3 ans d'emprisonnement et d'une amende de 45 000 € (article 314-7 du Code pénal).
2 - Comment est fixée la pension alimentaire ?
Dans la grande majorité des cas, la pension alimentaire prend la forme d'une rente. Cependant, quand la consistance des biens du débiteur s'y prête, la rente peut être remplacée en tout ou partie par :
- l'octroi d'un droit d'usage ou d'habitation ou l'abandon d'un bien en usufruit (notamment le cas lorsque l'enfant et le parent avec lequel il vit sont autorisés à habiter dans le logement familial),
- le versement d'un capital (capital versé à un tiers qui se charge de le reverser sous forme de rente. En aucun cas, le capital est attribué au parent ayant la garde de l'enfant),
- l'affectation au bénéfice de l'enfant de revenus d'un immeuble ou d'un portefeuille de valeurs mobilières ou de tout autre bien productif de revenus.
3 - Quel est le montant ?
Il n'existe pas de barème officiel pour fixer le montant d'une pension alimentaire. À défaut d'accord entre les parents, le juge fixe celui-ci en fonction des ressources du parent qui la doit et des besoins de l'enfant selon son âge, sa santé, les études qu'il poursuit, etc. Les précédents jugements pour des situations similaires constituent immanquablement un élément de référence pour le juge. Cependant, depuis 2010, il peut disposer d'une table de référence en matière de calcul de pensions alimentaires pour les enfants consécutives à un divorce, mise au point par le ministère de la Justice. Ce référentiel a une valeur purement indicative et ne s'impose en aucune manière ni aux parties ni aux juges.
4 - La pension peut-elle être revalorisée tous les ans ?
Les jugements de divorce prévoient généralement l'indexation de la pension sur le coût de la vie. Le montant de la pension doit donc être révisé annuellement selon l'évolution de l'indice des prix à la consommation. La date de révision peut être la date anniversaire du jugement ou encore le 1er janvier des années suivantes. Une revalorisation au 1er janvier signifie qu'il faut procéder au calcul avec le dernier indice connu à cette date, ce qui est différent d'une revalorisation "en fonction de l'indice du mois de janvier". Il convient donc de bien lire les termes du jugement de divorce.
L'indice de référence est précisé dans le jugement. Selon la loi, seuls deux indices parmi ceux publiés par l'Insee peuvent servir de référence : indice Ensemble des ménages, hors tabac, France entière, ou indice Ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé, hors tabac, France entière. L'Insee met à disposition sur son site Internet un module de calcul pour effectuer cette revalorisation.
5 - Le montant de la pension peut-il être révisé ?
Le parent qui doit la pension ne peut modifier voire supprimer le montant de la pension à sa guise et pour quelque motif que ce soit. Il doit en faire la demande au juge aux affaires familiales.
La pension est toujours révisable en fonction de la variation des besoins ou des ressources des parties, ou de la survenance d'un élément nouveau non pris en compte lors de sa fixation. Toute modification sur le montant d'une pension décidée par jugement de divorce ne peut être opérée que par le juge (juge aux affaires familiales du lieu où réside l'enfant). Les parties peuvent toutefois s'entendre à l'amiable sur la révision du montant d'une pension. Dans ce cas, le juge peut simplement prendre acte du changement en procédant à une homologation. L'assistance d'un avocat n'est alors pas nécessaire. Cette homologation par le juge vaut jugement.
Bon à savoir |
Dans les cas de garde exclusive, le fait d'héberger son enfant durant un certain temps, notamment pendant les périodes de vacances scolaires, n'autorise pas le parent débiteur à suspendre ou à réduire le paiement de la pension alimentaire. Souvent sujet de contentieux, les frais de voyage consécutifs à un éloignement des résidences des parents divorcés sont normalement un poste de dépense particulier pris en compte par les juges dans l'établissement de la pension alimentaire. Les solutions sont bien évidemment très variées et établies en fonction des circonstances de chaque affaire. Sauf éloignement particulier ou désaccord nécessitant l'intervention du juge, il est d'usage que les frais de déplacement reviennent au parent qui bénéficie du droit de visite et d'hébergement. |
6 - Quid de la pension en cas de garde alternée de l'enfant ?
En cas de divorce, la résidence alternée de l'enfant chez l'un et l'autre des deux parents peut être une solution décidée et demandée par les parents ou ordonnée par le juge. Le choix de la garde alternée n'évite pas la mise en service d'une pension alimentaire. Tout dépend ici de la disparité de revenus entre les deux parents et du choix de prise en charge de tel ou tel type de dépenses pour l'enfant.
7 - Quels sont les recours en cas de non-paiement ?
Il existe plusieurs procédures pour obtenir le paiement d'une pension alimentaire. Le premier de ces recours est relativement simple et rapide à mettre en œuvre : la procédure de paiement direct. Elle peut être utilisée dès le premier impayé de la pension. Elle consiste à demander à un huissier d'adresser une lettre recommandée avec accusé de réception, constituant la demande de paiement de la pension, chez l'employeur ou chez tout dépositaire de fonds (principalement la banque) de l'époux débiteur. Les frais d'huissier sont à la charge du débiteur de la pension alimentaire. La procédure permet de récupérer un ou plusieurs impayés (6 mois au maximum) et les échéances à venir. Elle entraîne selon les cas une saisie sur salaire ou une saisie sur compte bancaire. Le tiers détenteur des fonds, s'il est en mesure de le faire, est tenu de verser la pension demandée sous peine d'amende.
La saisie sur salaire peut également être demandée au juge. L'époux créancier doit en faire la demande auprès du greffe du tribunal judiciaire dont dépend le domicile du débiteur de la pension. L'assistance d'un avocat n'est pas indispensable.
Autre voie possible : la caisse d'allocations familiales (ou caisse de MSA le cas échéant). Le parent, qui ne reçoit plus la pension alimentaire depuis au moins 1 mois et qui a déjà tenté sans succès une première action en recouvrement, peut demander l'assistance de sa caisse d'allocations familiales. Celle-ci effectuera les démarches nécessaires au recouvrement et versera à titre d'avance l'allocation de soutien familial (ou une aide financière équivalente si le parent créancier ne remplit pas les conditions pour percevoir cette prestation familiale).
Enfin, la procédure de recouvrement public, par le biais du Trésor Public, est la dernière voie de recours possible pour obtenir le paiement de la pension alimentaire lorsque les autres voies (paiement direct, recours à l'aide sociale, saisie sur salaire) n'ont pas abouti. La demande doit être adressée au procureur de la République du tribunal judiciaire du domicile du créancier. Il est nécessaire de joindre à la demande une copie du jugement relatif à la pension alimentaire et tous les documents prouvant que le recouvrement de celle-ci n'a pu être obtenu par une autre procédure. Si le dossier est accepté, le procureur contacte le percepteur qui se chargera de recouvrer la pension.
Il faut savoir que la demande en paiement d'une pension alimentaire impayée se prescrit normalement au bout de 5 ans. Autrement dit, le paiement d'arriérés se limite à 5 ans. Cependant, il est possible de demander le paiement d'arriérés sur 30 ans (prescription de droit commun) lorsqu'on dispose d'un jugement de condamnation.
Le parent qui tente de se soustraire à son obligation alimentaire encourt des sanctions civiles ou pénales (voir question 1).
8 - Quand le versement de la pension prend fin ?
La pension cesse normalement d'être versée dès lors que l'enfant a acquis son autonomie financière et qu'il peut par conséquent subvenir lui-même à ses besoins. Ainsi l'obligation d'entretien des enfants par les parents ne cesse-t-elle pas de fait à leur majorité (article 371-2 du Code civil). Le principe a régulièrement été rappelé par la Cour de cassation. En conséquence, même si le jugement de divorce ne le prévoit pas expressément, l'enfant devenu majeur, mais aussi le parent qui en assume toujours la charge, peuvent demander à ce que le versement de la pension alimentaire ne soit pas interrompu après 18 ans. En pratique, le juge précise généralement, dans la convention de divorce, que la pension doit être versée même une fois la majorité de l'enfant atteinte si celui-ci ne peut subvenir à ses propres besoins, pour cause d'études ou de handicap, par exemple.
Dans le cas de la poursuite d'études, le jeune majeur étudiant n'a cependant pas un droit absolu au versement prolongé d'une pension alimentaire. Un travail sérieux et constant est en principe exigé de sa part. Les échecs renouvelés, un défaut d'assiduité aux cours ou un retard scolaire sans justification, mais aussi des études qualifiées de non sérieuses, peuvent être invoqués pour mettre fin à l'obligation d'entretien. Lorsque les conditions sont réunies – par exemple, l'enfant majeur commence à travailler –, le parent astreint au versement ne doit pas arrêter de lui-même ses versements, même s'il est assuré de son bon droit ; il doit s'adresser impérativement au juge aux affaires familiales.
Même si dans certains cas la demande peut être rejetée, l'enfant majeur peut demander à ce que la pension lui soit versée directement ; par exemple, lorsqu'il vit de manière autonome en poursuivant des études loin de son domicile habituel.
9 - Peut-on saisir une pension alimentaire ?
Le caractère alimentaire de la pension la rend insaisissable.
10 - Quel est le régime fiscal ?
Forme de la pension |
Déduction du revenu |
Imposition sur le revenu |
Rente (1) |
Oui (1) |
Oui (1) |
Capital avec attribution d'une rente |
Oui, |
Non |
Capital : autres formes (3) |
Non |
Non, mais les revenus qu'il procure |
Pension versée à un enfant majeur |
Oui, |
Oui |
(1) Une situation de garde alternée permet aux ex-conjoints de partager de manière égale la majoration de quotient familial, sauf s'il est justifié que l'un d'entre eux assume la charge principale de l'enfant. Par suite du partage de la majoration de quotient familial, aucune déduction de pension alimentaire ne peut être opérée, même si une pension est fixée par le jugement du divorce. À l'inverse, si l'un des ex-époux prend en totalité la charge fiscale de l'enfant, l'autre peut, le cas échéant, déduire la pension alimentaire versée. |
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