Donner congé à son locataire : les règles à respecter

Donner congé à un locataire relève d'une procédure encadrée par la loi. Au-delà du délai de prévenance, des conditions préalables et une obligation de forme s'imposent aussi au bailleur.

La location d'un logement est encadrée en France par une législation visant à protéger à la fois le locataire et le bailleur. C'est à ce titre que le propriétaire qui souhaite mettre fin au bail qu'il a consenti doit respecter un certain nombre de règles, faute de quoi le congé sera considéré comme nul.

Respect d'un préavis

Alors que le congé donné par le locataire peut intervenir à tout moment, en respectant tout de même un préavis de 3 mois – pouvant être réduit à 1 mois dans certaines situations –, le congé donné par le bailleur produit effet uniquement à la date d'échéance contractuelle du bail et il doit être notifié au moins 6 mois à l'avance.

Le préavis court à compter du jour de la réception de la lettre AR par le locataire, de la date de la signification par acte d'huissier de justice si le bailleur opte pour cette voie de communication, ou du jour de la remise en main propre.

Le préavis et la "trêve hivernale"

Un bailleur peut donner congé à son locataire même si la fin du bail arrive pendant la période dite de "trêve hivernale". La période courant du 1er novembre au 31 mars concerne uniquement les procédures d'expulsion qui sont le résultat d'une procédure judiciaire et d'un jugement. Certes, un locataire peut être tenté de résister au congé (valable) du bailleur en profitant de l'opportunité de la période hivernale, mais une fois le jugement obtenu, le bailleur pourra procéder à l'expulsion le jour venu. Les frais de procédure et les dommages et intérêts seront alors à la charge du locataire récalcitrant.

Trois motifs de congé admis

À l'inverse du locataire, qui n'a pas de raison à invoquer lorsqu'il entend quitter le logement qu'il occupe, le bailleur doit motiver clairement son congé. Pour être valable, le congé doit être justifié par la décision soit de reprendre le logement en vue de l'habiter, soit de le vendre, ou par un motif légitime et sérieux.

Congé en vue de reprendre le logement pour l'habiter

Le bailleur peut reprendre le logement mis en location pour se loger lui-même ou loger un membre de sa famille, à savoir son conjoint – marié, partenaire pacsé ou concubin notoire –, ses descendants ou ascendants ou ceux de son conjoint. Le logement devra être occupé à titre de résidence principale.

Sous peine de nullité, le bailleur doit justifier le caractère réel et sérieux de la décision de reprise, notamment le besoin de relogement du bénéficiaire du congé. En outre, il doit préciser les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise.

Une fois le congé délivré dans les formes, la reprise du logement doit bien évidemment être effective. Le locataire peut obtenir réparation du préjudice subi devant les tribunaux s'il apporte la preuve que le logement, par exemple, n'est pas occupé par la personne mentionnée dans le congé, ou qu'il est occupé à titre de résidence secondaire.

Lorsque le caractère frauduleux du congé est avéré, le bailleur encourt des sanctions civiles (dommages et intérêts). Il est également passible d'une amende pénale dont le montant peut atteindre au maximum 6 000 € (30 000 € lorsque le bailleur est une personne morale).

Congé en vue de vendre le logement

Le bailleur peut vendre le logement occupé. Dans ce cas, le contrat de bail continue de courir, au moins jusqu'à son terme, sans incidence particulière pour le locataire. Le nouveau bailleur devra attendre l'échéance du bail, en tenant compte du préavis de 6 mois, pour éventuellement le dénoncer.

Si le bailleur souhaite vendre le logement vide de tout occupant, il peut donner congé à son locataire en invoquant ce motif. Dans ce cas, le locataire jouit d'un droit de préemption. Autrement dit, la délivrance du congé doit obligatoirement être accompagnée d'une offre de vente au profit du locataire. À peine de nullité, les prix et conditions de vente doivent être indiqués au locataire de façon précise. En revanche, le bailleur n'est pas tenu d'indiquer la surface du lot de copropriété dans le congé (métrage Carrez). En revanche, une mention erronée peut entraîner la nullité du congé.

Bon à savoir

Le congé pour vendre doit contenir une notice d'information relative aux obligations du bailleur et aux voies de recours et d'indemnisation du locataire. Le contenu de cette notice est défini par arrêté (arrêté TERL1711455A du 13 décembre 2017).

Les conditions de l'offre de vente restent valables durant les 2 premiers mois du délai de préavis. Si le locataire refuse expressément l'offre ou s'il ne répond pas dans les 2 mois, celle-ci devient caduque et le congé prend effet au terme du bail. Le locataire est alors déchu de tout titre d'occupation et doit quitter les lieux au terme du bail.

En la matière, les sanctions pour congé frauduleux sont identiques à celles délivrées pour le congé pour habiter : sanctions civiles et sanction pénales pouvant atteindre 6 000 € (30 000 € lorsque le bailleur est une personne morale).

Congé pour motif légitime et sérieux

La loi du 6 juillet 1989 qui gère les rapports entre bailleurs et locataires prévoit un cas de congé délivré pour motif légitime et sérieux. Elle ne définit pas expressément cette notion mais évoque avant tout l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant (article 15) et liste un certain nombre de ces obligations (article 7). Ainsi le congé peut-il être motivé pour non-paiement du loyer et des charges, usage non paisible des locaux, dégradations et pertes survenant pendant la durée du contrat, non-exécution des réparations locatives, obstacle fait aux travaux d'amélioration ou d'entretien des parties communes ou privatives, transformation des locaux loués à un autre usage ou encore un défaut d'assurance.

La liste des motifs n'est pas exhaustive et dès lors qu'on sort des contours définis par la loi, ils sont appréciés au cas par cas devant les tribunaux. Le bailleur doit apporter de nombreuses preuves et constituer un dossier très étayé au risque de voir son congé contesté.

Peut constituer un motif légitime et sérieux...

  • la démolition de l'immeuble dans le cadre d'une opération immobilière,
  • l'état de santé du bailleur exigeant une aide à domicile et donc le logement d'une telle personne,
  • le comportement agressif du locataire, contraire aux obligations de bon voisinage avec les autres occupants de l'immeuble,
  • la persistance du locataire à suspendre du linge aux fenêtres en dépit des injonctions reçues du propriétaire et du conseil syndical,
  • la sous-location du logement malgré une interdiction formelle prévue dans le contrat de bail...

Protection en faveur de certains locataires

Le locataire âgé jouit, sous certaines conditions, d'un droit au maintien dans le logement qu'il occupe. En effet, le bailleur ne peut pas le congédier dès lors qu'il est âgé de plus de 65 ans et que ses ressources sont inférieures, pour une personne seule, à 26 044 € en Île-de-France et à 22 642 € dans les autres régions (plafonds portés respectivement à 38 925 € et 30 238 € pour 2 personnes sans autre personne à charge) *. En théorie, pour cette catégorie de locataire, le bail peut donc se renouveler à l'infini.

Cette protection prévue par la loi vaut également pour le locataire ayant à sa charge une personne âgée de plus de 65 ans, le montant cumulé de leurs ressources devant être inférieur au plafond indiqué précédemment. Elle vaut également pour le locataire bénéficiaire de l'allocation journalière de présence parentale (AJPP) qui assume la charge d'un enfant atteint d'une maladie, d'un handicap ou victime d'un accident d'une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants, avec la même condition de ressources.

Cependant, dans tous les cas, le congé délivré par le bailleur est néanmoins recevable, soit lorsque ce dernier est lui-même âgé de plus de 65 ans, soit lorsque ses ressources sont inférieures aux plafonds cités précédemment, ou encore lorsque le congé est accompagné d'une proposition de relogement. Dans ce cas, le logement proposé doit correspondre aux besoins et aux possibilités du locataire - taille similaire, loyer raisonnable adapté aux revenus de l'intéressé - et être situé dans un périmètre géographique proche (même arrondissement ou canton, ou arrondissements ou cantons limitrophes, ou, le cas échéant, autre territoire de la commune ou autre commune sans pouvoir être éloigné de plus de 5 kms).

Les plafonds de ressources évoqués sont appréciés à la date de notification du congé. La condition d'âge, tant pour le locataire que pour le bailleur, est appréciée à la date d'échéance du contrat de location.

Le tribunal d'instance du lieu de situation du logement est compétent pour régler les litiges sur les questions de recevabilité des congés. Toute procédure commence normalement par une tentative de conciliation.

Bon à savoir

Les dispositions protectrices s'appliquent seulement en cas de congé donné par le bailleur. Même protégé, un locataire âgé qui manquerait à ses obligations est susceptible d'être expulsé.

Comment délivrer le congé ?

Le congé doit être notifié soit par lettre recommandée avec accusé de réception, soit par voie d'huissier. Il peut aussi être remis en main propre contre récépissé ou émargement.

La lettre avec AR présente l'inconvénient de ne jamais faire partir de préavis si le bénéficiaire est absent de son domicile ou s'il ne va jamais chercher la lettre à La Poste. En revanche, le congé par lettre d'huissier fait courir le préavis à partir de la date mentionnée sur l'acte établi par le professionnel. Le locataire est considéré comme l'ayant reçu à cette date, même s'il était absent lors du passage de l'huissier. En la matière, les frais d'huissier sont désormais librement négociés. Ils comprennent généralement la rédaction du congé et sa délivrance. Prévoir un montant oscillant généralement entre 200 € et 250 €.

Le congé doit être notifié à tous les locataires, a fortiori lorsqu'il y a colocation. Il en est de même lorsque le locataire est marié ou pacsé. Cependant, si le locataire s'est marié ou pacsé en cours de bail sans que le bailleur en soit informé, le congé délivré au seul signataire du bail est valable.

Un congé qui ne serait pas délivré dans les formes (avoir la capacité pour délivrer le congé, respect du préavis, information de tous les locataires le cas échéant, etc.) est déclaré nul et peut donner lieu à des dommages et intérêts et à la réintégration du locataire irrégulièrement congédié.

* Plafonds de ressources applicables au 1er janvier 2024 pour l'attribution des logements locatifs conventionnés.

 

© Lefebvre Dalloz