La prestation compensatoire en 10 points clés
1 - La prestation compensatoire est une des conséquences possibles d'un divorce
La prestation compensatoire est l'outil juridique central permettant, si cela s'avère nécessaire, de rééquilibrer les intérêts patrimoniaux de deux ex-époux à l'issue d'un divorce. Introduite dans le droit français par la loi du 11 juillet 1975 sur le divorce, elle a depuis été réformée à deux reprises, en 2000 et 2004. Elle peut aujourd'hui être demandée dans toutes les formes de divorce. Elle peut être fixée, soit par accord des époux de façon conventionnelle - la convention devant être homologuée par le juge -, soit par le juge à la demande de l'un des époux.
Rappel |
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Le PACS ne donne aucun droit à prestation compensatoire. |
2 - La prestation compensatoire est un outil juridique de rééquilibrage
Le divorce met fin au devoir de secours entre époux. L'objet de la prestation compensatoire est de compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux. La disparité doit donc uniquement résulter de la rupture du mariage, rupture qui met en lumière, soit un déséquilibre masqué par la durée de vie commune, soit un équilibre rompu à cause de choix de vie opérés en commun. En revanche, la prestation compensatoire n'a pas pour objet d'assurer une parité des fortunes ni de maintenir indéfiniment un niveau de vie existant pendant le mariage.
Le juge apprécie l'étendue de la disparité à la date du prononcé du divorce, à savoir la date à laquelle le principe du divorce devient définitif.
Le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier l'existence d'une disparité et rechercher les éléments qui la confirment objectivement. Au-delà d'un déséquilibre qui peut être flagrant, il doit aussi s'intéresser aux causes du déséquilibre.
Les critères retenus pour constater la disparité et apprécier la compensation sont énumérés par l'article 271 du Code civil. Le juge prend en considération notamment :
- la durée du mariage,
- l'âge et l'état de santé des époux,
- les qualifications et les situations professionnelles, les conséquences des choix professionnels,
- les droits existants et prévisibles, notamment en matière de retraite,
- le patrimoine estimé et prévisible après la liquidation du régime matrimonial, ce qui ne permet pas pour autant de prendre en compte des héritages futurs.
Bon à savoir |
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Concernant la durée du mariage, il ressort de la jurisprudence que la durée du mariage exclut toute période de concubinage préalable. Dans la période de mariage, il est pris en compte la période effective de vie commune, excluant une éventuelle période de séparation de fait des époux. |
La présence d'enfants peut également influer sur le montant de la prestation compensatoire en ce qu'elle peut représenter une charge qui pèse sur les facultés professionnelles de l'époux créancier qui en a la garde.
Un peu d'histoire... |
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Auparavant, une pension alimentaire entre époux pouvait être due pendant une procédure de divorce et/ou en exécution d'un jugement de divorce. Les divorces prononcés depuis l'entrée en vigueur de la loi du 26 mai 2004 ne peuvent pas prévoir de pension alimentaire. Seule une prestation compensatoire peut être éventuellement due. En revanche, les pensions octroyées par des jugements antérieurs perdurent. |
3 - La prestation compensatoire est en priorité versée sous la forme d'un capital
Sauf exception, la prestation compensatoire doit prendre la forme d'un capital, lequel se matérialise :
- soit par le versement d'une somme d'argent,
- soit, de façon subsidiaire, par l'attribution d'un bien ou d'un droit (droit d'usufruit, par exemple), uniquement lorsque les conditions de versement d'une somme d'argent n'apparaissent pas suffisamment garanties.
Par conséquent, lorsque des biens ou des droits sont attribués à titre de prestation compensatoire, le jugement de divorce opère une cession forcée en faveur du créancier.
Bon à savoir |
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L'accord du débiteur est requis pour l'attribution en pleine propriété d'un bien reçu par donation ou succession. |
Le juge peut autoriser le débiteur de la prestation à constituer le capital sous la forme de versements échelonnés sur une durée qui ne doit pas excéder 8 années.
Un peu d'histoire... |
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La loi de 1975 posait simplement le principe d'une prestation compensatoire sous forme de capital. Cependant, la pratique judiciaire a largement favorisé l'essor de la rente comme mode de paiement, considérée par le débiteur comme financièrement plus supportable et fiscalement plus intéressante que le capital. Les "rentes éternelles", transmises aux héritiers, sont ainsi devenues pommes de discorde dans bon nombre de familles. C'est pourquoi les réformes de 2000 et de 2004 ont réaffirmé de façon plus claire la primauté du capital tout en maintenant trois dérogations :
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4 - L'usage de la rente est expressément limité
L'attribution de la prestation compensatoire sous forme de rente doit être une exception (article 276 du Code civil). Seule la situation du créancier peut le justifier : il faut que son âge ou son état de santé ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins. Le bénéficiaire de la prestation doit donc être sans ressources et dans l'impossibilité de s'en procurer parce que trop âgé, gravement malade, invalide ou handicapé. Ce sera le cas, par exemple, de l'épouse qui n'a jamais travaillé ou qui a sacrifié sa carrière pour élever les enfants et qui, compte tenu de son âge, ne pourra pas (re)trouver d'emploi.
Même lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier sont de nature à justifier l'allocation d'une rente, le juge n'est pas tenu de l'accorder. Il s'agit pour lui d'une simple faculté.
Lorsqu'il décide d'allouer une rente plutôt qu'un capital, le juge doit motiver sa décision. Sur cette question, la Cour de cassation veille avec rigueur à ce que l'allocation d'une rente reste exceptionnelle.
La rente est obligatoirement viagère. En outre, elle doit être indexée.
Substitution d'un capital à la rente |
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La substitution, totale ou partielle, d'un capital à la rente peut être demandée par l'époux débiteur à tout moment ou l'époux créancier s'il justifie d'une modification de la situation de son ex-conjoint rendant possible la substitution. S'il refuse d'accéder à cette demande, le juge doit motiver sa décision. |
5 - Il n'existe aucun barème officiel
Il n'existe aucun barème, ni méthode officielle ni pratique uniforme de fixation de la prestation compensatoire. Selon un principe général, le juge doit déterminer le montant selon les besoins du créancier et les ressources du débiteur, sur la base de multiples critères d'appréciation [voir le point 2].
Des experts - magistrats, notaires, avocats - ont développé des méthodes de calcul, mais la diversité des pratiques amène à des résultats très différents. Il n'existe donc aucune méthode fiable.
6 - La dissimulation de revenus peut entraîner une révision du jugement de divorce
Lors de la procédure de divorce, les époux doivent communiquer au juge tous les renseignements et documents utiles pour liquider le régime matrimonial et, le cas échéant, pour fixer les prestations et les pensions. Ils sont même tenus de fournir une déclaration sur l'honneur certifiant l'exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
En pratique, la déclaration n'est pas une condition de recevabilité de la demande de prestation et son absence n'est pas sanctionnée. Seul un mensonge ou une dissimulation dans la déclaration peut entraîner un recours en révision. Sur le plan pénal, ils sont de nature à constituer un délit d'escroquerie au jugement.
7 - Le juge peut refuser d'accorder une prestation compensatoire
Selon les termes de l'article 270 du Code civil, le juge peut refuser l'attribution de la prestation compensatoire "si l'équité le commande", soit en considération des critères retenus pour évaluer la disparité des conditions de vie [voir le point 2], soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.
Ainsi, par exemple, une épouse de 33 ans qui s'est vue imputer tous les torts du divorce a été privée de prestation compensatoire car elle n'assumait pas la charge des enfants et ne justifiait ni de recherche d'emploi ni de suivi d'une formation (Cass. 1re civ. 08.07.2010 n° 09-66-186).
8 - La prestation compensatoire est déductible du revenu pour celui qui la doit, imposable pour celui qui la reçoit
Que la prestation compensatoire soit décidée par la convention entre époux ou fixée par le juge, le régime fiscal est identique. Il dépend néanmoins de la forme adoptée et, s'il s'agit d'un capital, du délai dans lequel il est versé.
Forme |
Régime fiscal |
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pour celui qui verse |
pour celui perçoit |
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Capital - versements sur 12 mois au plus |
Réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % des versements effectués retenus dans la limite de 30 500 € sur 12 mois au plus |
Pas d'imposition |
Capital - versements sur plus de 12 mois |
Déduction du revenu global |
Imposition |
Rente |
Déduction du revenu global |
Imposition |
9 - La prestation compensatoire peut être révisée en cas de changement important de situation
Aucun événement particulier n'est de nature à entraîner de façon automatique une révision ou une annulation de la prestation compensatoire. Cela étant, en cas de changement important de la situation du débiteur, une demande en révision peut être engagée :
- lorsque la prestation compensatoire prend la forme d'un capital dont le paiement est échelonné sur plusieurs mois, le débiteur peut demander seulement la révision des modalités de paiement, le juge pouvant, dans ce cas, par décision motivée, rééchelonner le paiement du capital sur plus de 8 ans ;
- lorsque la prestation est allouée sous forme de rente, celle-ci peut être révisée, suspendue ou supprimée en cas de changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties, créancier et débiteur pouvant, l'un comme l'autre, être à l'origine de la demande. Dans ce cas, la révision ne peut pas avoir pour effet de porter la rente à un montant supérieur à celui fixé initialement par le juge.
Bon à savoir |
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Si les époux n'ont rien prévu dans la convention établie entre eux et homologuée par le juge, l'un ou l'autre peut présenter une demande en révision dans les conditions de droit commun. |
La demande de révision doit être présentée au juge, lequel dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation basé sur les pièces justificatives qui lui seront fournies par les ex-époux.
10 - La prestation compensatoire est une dette transmissible aux héritiers
Sauf clause particulière insérée dans une convention entre les ex-époux, le décès du débiteur de la prestation compensatoire n'entraîne pas l'arrêt de son versement. La prestation constitue une dette dans la succession du débiteur et l'obligation de paiement alors est transmise à ses héritiers.
Quelle que soit la forme de la prestation compensatoire, les héritiers ne sont pas tenus personnellement de son paiement. La prestation est prélevée sur la succession et les héritiers ne sont tenus que dans la limite de l'actif successoral. En cas d'insuffisance, les légataires particuliers sont également sollicités, proportionnellement à leur émolument.
Lorsque la prestation a été fixée sous la forme d'un capital échelonné, le solde restant dû est automatiquement prélevé sur la succession.
Lorsque la prestation a été fixée sous forme de rente, il lui est substitué un capital immédiatement exigible. Les héritiers peuvent toutefois décider ensemble de maintenir les formes et modalités de règlement de la prestation compensatoire en s'obligeant personnellement au paiement de cette prestation. Dans ce cas, les mécanismes de révision sont ouverts aux héritiers [voir le point 9 sur la révision], de même que la possibilité de substituer un capital à la rente [voir le point 4]. Précisons que l'accord entre les héritiers pour la poursuite du paiement de la prestation compensatoire doit être constaté par un acte notarié.
Cas des successions réglées avant le 1er janvier 2005 |
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Les héritiers qui ont accepté la succession doivent prendre à leur charge le paiement de la prestation compensatoire. Ils peuvent néanmoins bénéficier des mécanismes de révision et de substitution d'un capital. |
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