La prévoyance complémentaire au sein de l'entreprise en 10 questions
1. Que recouvre la prévoyance complémentaire d'entreprise ?
Les garanties collectives prises par une entreprise au profit des salariés viennent en complément des prestations servies par la Sécurité sociale. On regroupe ainsi sous le vocable "prévoyance" :
- la couverture du risque décès,
- les garanties relatives au remboursement des frais médicaux,
- les couvertures maladie et maternité,
- la couverture des risques d'incapacité de travail et d'invalidité.
Pour les salariés, la garantie du risque chômage n'est pas pratiquée en prévoyance complémentaire.
Il existe 2 grandes catégories de contrats :
- les contrats dits "article 83" (par référence au Code général des impôts) qui sont souscrits par les entreprises généralement au profit de tous les salariés et pour lesquels l'adhésion est obligatoire,
- les contrats dits "article 82" (également par référence au Code général des impôts) souscrits au profit d'un nombre restreint de salariés.
2. Qui décide de mettre en place une protection sociale complémentaire au sein de l'entreprise ?
Dès lors qu'elle a vocation à s'appliquer à l'ensemble des salariés, la mise en place d'une couverture sociale complémentaire dans l'entreprise :
- soit relève d'une décision unilatérale de l'employeur,
- soit est instaurée par accord obtenu par référendum,
- soit s'impose à l'entreprise par une convention ou un accord collectif (convention collective, accord de branche, convention ou accord d'entreprise ou d'établissement).
Lorsqu'un accord de branche est conclu, celui-ci se substitue aux dispositions d'un accord d'entreprise ou relevant d'une décision unilatérale de l'employeur. Seules celles plus favorables aux salariés demeurent applicables.
La mise en place d'une telle protection est donc facultative, exception faite désormais de la couverture complémentaire minimale en matière de frais de santé qui doit être généralisée à l'ensemble des entreprises d'ici au 1er janvier 2016.
Calendrier programmé des négociations dans les entreprises |
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Tous les salariés doivent disposer d'une couverture minimale pour le remboursement de leur frais de santé au 1er janvier 2016. Pour la mise en œuvre de cette généralisation, des négociations devaient être engagées au niveau de chaque branche professionnelle, en vue de la conclusion d'un accord au plus tard le 1er juillet 2014. A défaut d'accord, les entreprises ont jusqu'au 31 décembre 2015 pour ouvrir leur négociation afin d'instituer cette couverture minimale obligatoire. Par ailleurs, avant le 1er janvier 2016, des négociations doivent également être engagées pour permettre aux salariés d'accéder également à une couverture complémentaire pour les risques incapacité de travail, invalidité et décès. |
A l'inverse, la mise en place d'une protection complémentaire au profit d'un nombre restreint de salariés, voire d'un seul, est totalement libre. Elle est indépendante de toute convention collective ou accord d'entreprise.
3. Les salariés peuvent-ils refuser d'adhérer ?
L'adhésion obligatoire au contrat de prévoyance complémentaire mis en place dans l'entreprise pour l'ensemble des salariés découle des conditions posées par l'article 83 du Code général des impôts qui rend déductible du salaire imposable la cotisation du salarié.
De même, de la réforme qui institue une couverture obligatoire minimale en matière de frais santé au 1er janvier 2016, découle également une obligation d'adhésion. Cependant, le Code de la Sécurité sociale prévoit ici des cas de dispense :
- sous certaines conditions, lorsque l'acte juridique mettant en place la couverture le spécifie expressément et que les salariés ont formulé une demande par écrit mentionnant que leur choix a été parfaitement éclairé ;
- de façon automatique, pour les salariés qui n'ont pas vocation à demeurer dans l'entreprise (CDD, apprentis, contrats de mission), ceux employés à temps partiel dont l'adhésion au système de garanties les conduirait à s'acquitter d'une cotisation au moins égale à 10 % de leur rémunération brute, et les salariés qui bénéficient déjà, en propre ou en qualité d'ayant droit, d'une couverture de même nature (salariés multi-employeurs, salariés assurés par la couverture de leur conjoint, par exemple).
Bon à savoir |
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Lorsque le régime de prévoyance complémentaire est institué par voie de décision unilatérale de l'employeur, les salariés embauchés avant la mise en place des garanties ne peuvent se voir imposer une cotisation. Il s'agit d'une dispense légale issue de la loi Evin du 31 décembre 1989. |
4. Les garanties peuvent-elles être différentes suivant les catégories professionnelles ?
La question vaut pour les contrats dits "article 83" à adhésion obligatoire qui ont vocation à couvrir normalement l'ensemble des salariés d'une entreprise. Pour que les cotisations versées par l'employeur ne soient pas considérées comme un avantage de rémunération soumis à cotisations sociales et que la part salariale soit déductible de l'assiette de l'impôt sur le revenu, chaque système de garanties, si elle ne vise pas l'ensemble du personnel, doit s'appliquer à une catégorie objective de personnel. L'article R 242-1-1 du Code de la Sécurité sociale définit 5 critères auxquels il est possible de faire référence afin de satisfaire à cette obligation (par exemple, le statut cadre ou non-cadre, ou encore la place dans une classification conventionnelle, ou encore une catégorie définie clairement et non restrictive d'usage constant dans une profession).
Les catégories ne peuvent pas être définies en fonction de critères relatifs au temps de travail, à la nature du contrat ou à l'âge des salariés.
L'employeur doit pouvoir établir que les garanties sont les mêmes pour tous les salariés ou ceux de la catégorie couverte.
5. Qui finance la prévoyance complémentaire mise en place dans l'entreprise ?
S'agissant d'un contrat collectif "article 83", l'entreprise doit obligatoirement participer au financement de la couverture complémentaire, en tout ou partie.
S'agissant plus spécifiquement de la mise en place obligatoire d'une complémentaire minimale santé d'ici au 1er janvier 2016, la loi oblige l'employeur à financer au moins 50 % du coût de la couverture, quel que soit le niveau de protection choisi.
6. Les mandataires sociaux bénéficient-ils de cette prévoyance complémentaire ?
Le dirigeant titulaire d'un contrat de travail, qu'il cumule ou non avec un mandat social, bénéficie de l'accord collectif mettant en place le régime de prévoyance complémentaire dans l'entreprise. En revanche, le simple mandataire social ne peut en bénéficier, sauf si les organes de la société l'ont préalablement voté. Dans ce cas, les avantages sont accordés au titre d'accessoires de la rémunération.
7. Comment sont choisis le ou les assureurs et les contrats ?
Le principe général est que les entreprises ont une liberté de choix de l'organisme assureur.
Cependant, les accords professionnels ou interprofessionnels peuvent prévoir des "clauses de recommandation", nommant un ou plusieurs organismes (compagnie d'assurance, mutuelle ou institution de prévoyance).
Le choix de l'organisme recommandé est effectué à l'issue d'une procédure de mise en concurrence transparente et impartiale garantissant l'égalité de traitement entre les opérateurs. La durée de la clause de recommandation est limitée à 5 ans maximum, avec possibilité de reconduction.
Le ou les organismes choisis :
- ne peuvent pas refuser l'adhésion d'une entreprise relevant du champ d'application de leur accord,
- doivent appliquer un tarif unique,
- doivent offrir des garanties identiques pour toutes les entreprises et tous les salariés.
Les entreprises couvertes par l'accord conservent néanmoins la possibilité de choisir un autre organisme assureur que celui ou ceux recommandés, sans sanctions pour elles.
Les entreprises non couvertes par un accord de branche ont, elles, toute liberté pour choisir leur organisme assureur.
8. Que doivent contenir les contrats ?
Au niveau de l'entreprise, la mise en place des contrats de groupe suppose au préalable de cibler précisément les besoins des salariés, ainsi que l'étendue des garanties qui seront souscrites. En face, les entreprises d'assurance proposent généralement :
- soit des contrats uniformes, qui répondent aux besoins du plus grand nombre et sont normalement simples à gérer,
- soit des contrats à la carte, permettant aux salariés de choisir les prestations dont ils ont besoin.
Bien évidemment, comme toujours en matière d'assurances, plus les garanties sont importantes, plus les primes sont élevées.
Cependant, il convient de préciser que la généralisation de la couverture obligatoire en matière de remboursements complémentaires des frais de santé dans les entreprises d'ici au 1er janvier 2016 implique que les contrats doivent répondre aux exigences des contrats dits responsables et solidaires qui leur permettent de bénéficier des aides fiscales et sociales, à savoir :
- une obligation de prise en charge minimale de certaines dépenses de santé (ou "panier de soins minimum"),
- des plafonds de prise en charge applicables à certains postes de soins,
- et des interdictions de prise en charge.
Ces exigences ont été précisées par décret.
Contenu du "panier de soins minimum" |
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Nature des soins |
Prestations minimales |
Soins de ville |
TM (1) |
Frais d'hospitalisation Forfait journalier hospitalier |
TM TM, Sans limitation de durée. |
Pharmacie |
TM (exception faite des médicaments dont le service médical rendu a été classé faible ou modéré (médicaments dont le prise en charge est fixée à 15 ou 30 %) et des préparations homéopathiques). |
Dentaire |
TM. |
Optique : - verres simples - verres complexes - 1 verre simple + 1 verre complexe |
Minimum 100 € Minimum 200 € Minimum 150 € |
(1) TM - ticket modérateur, à savoir la somme restant à la charge de l'assuré après remboursement de la Sécurité sociale, dans la limite du tarif de la Sécurité sociale (communément appelé tarif opposable ou tarif de responsabilité). |
9. Quel est le régime fiscal et social des cotisations et des prestations ?
Concernant les contrats dits "article 83", au regard de l'impôt sur le revenu :
- la cotisation du salarié est déductible de sa rémunération brute au même titre que les cotisations sociales obligatoires, mais dans une certaine limite posée par l'article 83 du Code général des impôts (voir encadré) ;
- la cotisation à la charge de l'employeur est également déductible, dans la même limite, à l'exception notable de celle correspondant à des garanties portant sur le remboursement ou l'indemnisation de frais de santé (maladie, maternité ou accident). Autrement dit, reste déductible la contribution de l'employeur à un contrat couvrant les risques incapacité du travail, invalidité et décès et dépendance.
Limites de déduction fiscale |
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Les cotisations salariales et patronales (sauf exception) à un régime de prévoyance complémentaire, sont déductibles dans la double limite de :
- 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (soit 1 902 € pour 2015) + 2 % de la rémunération brute annuelle du salarié, |
Les prestations perçues dans le cadre de des contrats "articles 83" sont imposables à l'impôt sur le revenu, sauf cas d'exonérations spécifiques (prestations en nature, capitaux décès).
Sur le plan social, les versements effectués par l'employeur, étant entendu que le contrat de prévoyance complémentaire vise l'ensemble des salariés ou une catégorie objective d'entre eux et qu'il a un caractère obligatoire, sont :
- exonérés de charges sociales,
- mais soumis à une contribution spécifique, dite "forfait social", de 8 % pour la fraction n'excédant pas :
- 6 % du plafond annuel de la Sécurité sociale, soit 2 282 € pour l'année 2015,
- et 1,5 % de la rémunération brute du salarie soumise aux cotisations de la Sécurité sociale.
Le total de ces deux éléments ne doit pas excéder 12 % du plafond de la Sécurité sociale, soit 4 564 € pour 2015.
Au-delà de ces limites, l'excédent est soumis aux cotisations sociales.
S'agissant des contrats de prévoyance à adhésion facultative (contrat pour un salarié ou un groupe restreint de salariés), les primes ne sont pas déductibles du revenu imposable. Les contributions des employeurs, considérées comme un complément de rémunération, sont soumises à cotisations sociales. Les indemnités journalières et rentes perçues en exécution des contrats sont exonérées.
10. Que devient la couverture complémentaire en cas de rupture du contrat de travail ?
Dans le cadre des contrats à adhésion obligatoire (contrats "article 83"), le salarié peut bénéficier d'un maintien temporaire des garanties santé et prévoyance complémentaire en cas de licenciement sous réserve d'être pris en charge par l'assurance chômage. On parle alors de "portabilité" des garanties de santé et de prévoyance. Ce droit est facultatif, le salarié peut très bien y renoncer. Il n'est dû en cas de licenciement pour faute lourde.
La durée du maintien des garanties de prévoyance est proportionnelle à la durée du dernier contrat de travail du salarié sans excéder 12 mois. Cette durée est appréciée en mois entiers, arrondie au nombre supérieur le cas échéant.
Remarque |
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La durée de la portabilité était auparavant de 9 mois. L'extension à 12 mois, issue de la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013, s'applique déjà aux garanties liées aux risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité. Elle s'appliquera aux garanties liées au risque décès ou aux risques d'incapacité de travail ou d'invalidité à compter du 1er juin 2015. |
Le financement du maintien des droits est gratuit pour le salarié licencié : il est assuré par l'employeur et les salariés en activité.
Le droit cesse à l'issue de la période de maintien ou lors de la reprise d'un nouvel emploi par le salarié.
Bon à savoir |
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Lorsque les conditions pour bénéficier de la portabilité des garanties de santé et de prévoyance évoquées ci-dessus ne sont pas remplies ou lorsqu'il s'agit d'un contrat à adhésion facultative ne concernant pas l'ensemble des salariés, le maintien des droits est limité aux prestations en nature (remboursement des frais de santé) :
- sans limitation de durée au profit des salariés qui en font la demande dans les 6 mois suivant la rupture du contrat de travail, Dans ce cas, le financement du droit est maintenu dans les mêmes conditions qu'avant la rupture. En pratique, un salarié peut donc à l'issue de la première période de portabilité de 12 mois au maximum évoquée précédemment demander |
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