La règle du rappel fiscal des donations
Principe général : non-rappel des donations de plus de 15 ans
Qu'il s'agisse d'une succession ou d'une donation, la transmission, dite à titre gratuit, est normalement assujettie aux droits de succession ou de donation. L'impôt dû est calculé après application d'un abattement et selon un tarif qui diffèrent en fonction du lien de parenté qui unit le défunt (ou donateur) et l'héritier ou légataire ou donataire.
Les donations que consent une même personne de son vivant et les dispositions prises en cas de décès sont reliées les unes aux autres. En effet, lors du règlement de la succession d'une personne, la loi impose que les donations antérieures, quelle que soit leur date, doivent être, sauf cas d'exception, rapportées au décès afin de rétablir l'égalité entre les héritiers.
Un peu d'histoire... |
Le délai de 15 ans s'applique aux successions ouvertes et aux donations consenties depuis le 17 août 2012. Ce délai a varié depuis 1992, année de son instauration. Il était initialement de 10 ans jusqu'au 31 décembre 2005. Il a été ensuite réduit à 6 ans pour les donations consenties jusqu'au 30 juillet 2011, puis remis à 10 ans avec un dispositif de lissage permettant d'atténuer les effets de l'allongement. En 2012, l'allongement à 15 ans est entré en application sans dispositif de lissage. |
Sur le plan fiscal, le principe est similaire : les donations antérieures doivent être rapportées lors de l'enregistrement d'une nouvelle donation liant les deux mêmes personnes, et, en cas de décès, un héritier ou légataire est tenu, dans sa déclaration de succession, de rapporter les éventuelles donations consenties en sa faveur par la personne défunte. La logique de la règle du "rappel fiscal" est d'opérer, en principe, une liquidation unique des droits fiscaux sur l'ensemble des biens transmis à titre gratuit entre les mêmes personnes. Ainsi, sera-t-il tenu compte, lors du rappel, des abattements, tarifs et réductions préalablement appliqués. Cependant, contrairement au rapport civil, la règle du "rappel fiscal" a une portée réduite, puisqu'elle écarte les donations passées depuis plus de 15 ans. Autrement dit, sont seulement retenues les donations réalisées au cours des 15 années précédant soit le décès du donateur, soit une nouvelle donation. Le délai de rappel s'apprécie de jour à jour.
Champ d'application du "rappel fiscal"
Toutes les donations de moins de 15 ans sont concernées par le rappel, qu'il s'agisse :
- des donations simples notariées ou pas,
- des donations-partages,
- ou de dons manuels, dès lors, bien évidemment, que ceux-ci sont connus ou ont été révélés.
La forme des donations est par conséquent indifférente. Le caractère rapportable ou non rapportable de la donation sur le plan civil est également sans incidence. Autrement dit, les donations consenties hors part successorale, destinées à accroître la part de succession du bénéficiaire, sont sujettes au "rappel fiscal" comme les donations en avancement de part successorale.
Seule exception au principe : les dons familiaux de sommes d'argent. Il s'agit de dons consentis en pleine propriété par des personnes âgées de moins de 80 ans au profit de descendants directs majeurs, ou, pour celles n'ayant pas de descendance directe, au profit de neveux ou nièces, ou petits-neveux ou petites-nièces en cas de prédécès d'un neveu ou nièce. Pour rappel, ces dons sont exonérés d'impôt lorsqu'ils ne dépassent pas 31 865 €.
Conséquences du "rappel fiscal"
Le rappel fiscal des donations antérieures a pour objectif de prendre en compte les réductions déjà obtenues afin de déterminer les nouveaux droits à payer. Ainsi, entraîne-t-il les trois conséquences suivantes.
Premièrement, les abattements personnels sont appliqués sur le montant taxable après déduction de ceux dont le gratifié (donataire, héritier ou légataire) a déjà bénéficié sur les donations antérieures.
Remarque |
Si un héritier vient à la succession par représentation, il est tenu compte des abattements dont son parent a bénéficié à raison des donations antérieures provenant du défunt. |
En deuxième lieu, pour le calcul de l'impôt par application d'un barème progressif, par exemple le barème des droits de succession ou de donation applicable en ligne directe, il est tenu compte des tranches d'imposition éventuellement déjà utilisées lors de la taxation des donations déjà consenties. En quelque sorte, le calcul est repris là où il s'était arrêté. La conséquence n'est pas neutre financièrement puisque les biens à nouveau transmis peuvent ainsi se retrouver imposés dans les tranches les plus élevées du barème.
Enfin, comme pour les abattements, les réductions de droits fiscaux au titre des charges de familles sont accordées après déduction des réductions déjà obtenues lors des donations antérieures.
Exemples
Exemple 1
M. Martin, âgé de 83 ans, a consenti à son fils unique le 1er juin 2008 la donation d'un immeuble valant 500 000 €.
Lors de l'enregistrement de l'acte de donation, les droits ont été calculés ainsi : |
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Montant de la donation |
500 000 € |
Abattement personnel applicable en 2008 |
- 151 950 € |
Montant imposable |
348 050 € |
Tarif applicable en 2008 :
- jusqu'à 7 699 € : 5 % |
Droits de donation dus :
384,95 + 384,90 + 547,05 + 66 571 |
M. Martin décède en février 2016, soit près de 8 ans plus tard. L'actif net de la succession s'élève à 800 000 €, revenant en totalité à son fils.
Le calcul des droits est effectué ainsi : |
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Actif successoral net |
800 000 € |
Abattement personnel disponible |
0 € |
Montant imposable |
800 000 € |
Tarif applicable en 2016 :
- jusqu'à 8 072 € : 5 % |
Droits de succession dus en tenant compte du calcul d'impôt déjà effectué 2008 et de la revalorisation du barème intervenue entre-temps :
[(8 072 - 7 699) x 5 %] = 244 010 € |
Exemple 2
Le 2 mai 2003, M. Durand donne à son fils unique la somme de 100 000 €.
Lors de l'enregistrement de l'acte de donation, les droits ont été calculés ainsi : |
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Montant de la donation |
100 000 € |
Abattement personnel applicable en 2003 |
- 46 000 € |
Montant imposable |
54 000 € |
Tarif applicable en 2003 :
- jusqu'à 7 600 € : 5 % |
Droits de donation dus :
380 + 380 + 540 + 7 800 |
Le 15 février 2016, M. Durand effectue une nouvelle donation en faveur de son fils : un bien immobilier valant 190 000 €.
Le calcul des droits est effectué ainsi : |
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Montant de la donation |
190 000 € |
Abattement personnel disponible |
54 000 € |
Montant imposable |
136 000 € |
Tarif applicable en 2016 :
- jusqu'à 8 072 € : 5 % |
Droits de donation dus en tenant compte du calcul d'impôt déjà effectué 2003 et de la revalorisation du barème intervenue entre-temps :
[(8 072 - 7 600) x 5 %] = 27 094 € |
Exemple 3
Le 1er février 2012, M. Dupont donne à son fils unique un immeuble valant 800 000 €.
Lors de l'enregistrement de l'acte de donation, les droits ont été calculés ainsi : |
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Montant de la donation |
800 000 € |
Abattement personnel applicable en 2012 |
159 325 € |
Montant imposable |
640 675 € |
Tarif applicable en 2012 :
- jusqu'à 8 072 € : 5 % |
Droits de donation dus :
403,60 + 403,70 + 573,45 + 107 278,40 + 26 505,30 |
Le 15 février 2016, M. Dupont donne à son fils la somme de 100 000 €
Le calcul des droits est effectué ainsi |
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Montant de la donation |
100 000 € |
Abattement spécifique "dons familiaux" |
- 31 865 € |
Abattement personnel disponible |
0 € |
Montant imposable |
68 135 € |
Tarif applicable en 2016 :
- jusqu'à 8 072 € : 5 % |
Droits de donation dus en tenant compte du calcul d'impôt déjà effectué 2012 : 68 135 x 30 % = 20 441 € |
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