La transmission des biens entre partenaires pacsés ou concubins

En cas de décès du partenaire pacsé ou du concubin, le survivant n'hérite pas automatiquement de l'autre...

En l’absence de testament, la loi organise la répartition et la transmission des biens du défunt au sein de sa famille selon un ordre fixé par le Code civil (le conjoint, les enfants, les parents, les frères et sœurs, etc.) et selon des quotités définies. La personne liée par un PACS et le concubin ne figurent pas parmi ces héritiers légaux. Par conséquent, si l’un d’entre eux décède sans avoir formalisé ses dernières volontés, l’autre peut se retrouver très vite démuni.

Pour pallier cette difficulté, les partenaires pacsés et les concubins peuvent s’instituer légataire l’un de l’autre par le biais d'un testament. Selon les situations personnelles, ils peuvent aussi de leur vivant décider d’effectuer des donations ou utiliser certains dispositifs juridiques. L’aide d’un notaire en matière de conseils, de rédaction et de conservation des documents est vivement recommandée.

Bon à savoir : les droits sur le logement familial

Le partenaire survivant bénéficie de droits sur le logement familial, d’importance différente selon qu’il s’agit d’un PACS ou d’un concubinage.
 Le partenaire pacsé dispose du même droit de jouissance temporaire que le conjoint marié : il peut ainsi se maintenir dans le logement gratuitement pendant les 12 mois consécutifs au décès, peu importe que le défunt soit propriétaire partiellement, totalement ou seulement locataire, sauf si le droit est expressément refusé dans un testament. Dans le cadre d’une location, la cotitularité du bail peut être demandée ou être attribuée automatiquement sous certaines conditions.
 Le concubin, dont le nom n’est pas inscrit sur le bail mais qui souhaite conserver le logement commun, peut demander le transfert à son nom à la condition que le concubinage soit notoire et dure depuis au moins un an à la date du décès.

Mais il est possible de transmettre à son partenaire ou concubin par le biais de legs ou de donations

De leur vivant, afin d’anticiper les difficultés, les partenaires et concubins peuvent effectuer des libéralités en faveur de l’autre. Deux outils sont mis à leur disposition :

  • le legs, prévu par testament et qui prend effet au décès ;
  • et la donation, en principe effective dès sa réalisation.

Le legs

Sur le plan du droit civil, les possibilités de legs entre partenaires pacsés et entre concubins sont multiples : legs universel (c’est-à-dire de l’intégralité du patrimoine), à titre universel (seulement une quote-part de la succession) et particulier (portant sur un objet déterminé ou une somme d’argent), en pleine propriété ou en usufruit, etc.

Bon à savoir

Lorsque les partenaires pacsés sont propriétaires indivis de leur logement, l’établissement d’un testament est indispensable pour permettre au survivant de revendiquer l’attribution préférentielle du logement et de son mobilier afin d'éviter de se retrouver en indivision avec les héritiers du partenaire décédé.

D’un point de vue fiscal, les partenaires pacsés, comme les époux mariés, bénéficient d’une exonération totale de droits de succession. À l’inverse, le concubin se voit imposer une fiscalité lourde : un très symbolique abattement de 1 594 €, appliqué sur la valeur du ou des biens reçus, suivi d’une taxation au titre des droits de succession au taux de 60 %, dès lors qu'il n'existe aucun lien de parenté entre les concubins.

À noter toutefois que, le cas échéant, l'abattement en faveur des personnes handicapées de 159 325 € s'ajoute à cet abattement de 1 594 €.

La donation

Sur le plan civil, les partenaires pacsés ou les concubins peuvent se consentir librement des donations dans le respect des conditions de droit commun. Une fois effectuées, les donations sont définitives, sauf exceptions prévues par la loi. Elles ne pourront pas en tout cas être révoquées du seul fait de la rupture du partenariat ou de l'union libre.

Sur le plan fiscal, les donations entre partenaires pacsés bénéficient d’un abattement de 80 724 €, auquel est ajouté, le cas échéant, l'abattement de 159 325 € en faveur des personnes handicapées. Au-delà, les droits de donation sont calculés selon un barème progressif identique à celui appliqué entre époux. Attention, si le PACS est rompu l’année de sa conclusion ou l’année suivante pour une raison autre que le mariage des partenaires entre eux ou le décès de l’un d’eux, l’abattement et le tarif appliqué sont remis en cause.

Le concubin ne bénéficie, lui, d’aucun abattement, à l'exception, le cas échéant, de l'abattement en faveur des personnes handicapées, et doit régler les droits de mutation pour toutes les donations effectuées au taux de 60 %, dès lors qu'il n'existe aucun lien de parenté entre les deux concubins.

Bon à savoir

Les droits de donation peuvent être pris en charge par le donateur sans que le geste ne s'apparente à une libéralité supplémentaire.

Les limites des donations et des legs

En dehors de la règle fiscale qui peut s'avérer très dissuasive pour les concubins, les donations ou les dispositions testamentaires peuvent également être contrariées par les situations familiales.

Le principe de la réserve héréditaire constitue la première limite à la liberté pour tout un chacun d'organiser la transmission de son patrimoine. Rappelons, en effet, qu'il existe des héritiers proches, notamment les descendants, qui ne peuvent pas être totalement écartés de la succession. Ces héritiers, dits "réservataires", peuvent donc prétendre à recevoir une fraction ainsi protégée de la succession appelée "réserve". À l'inverse, la quotité disponible est la fraction dont le partenaire peut disposer librement.

Bon à savoir

Lorsqu'il y a demande de réduction des libéralités, les legs sont réduits avant les donations. La réduction est en principe proportionnelle entre tous les légataires. Une règle qui peut être écartée si le défunt a expressément prévu qu'un legs soit acquitté de préférence aux autres.

Par conséquent, si le partenaire pacsé ou le concubin survivant a vocation à recevoir un legs, ce dernier est automatiquement contrôlé dès lors que le défunt laisse des héritiers réservataires. Si le montant ou la valeur du bien à recevoir, auquel s'ajoute une ou plusieurs donations consenties par le passé, empiètent la réserve, le partenaire ou concubin gratifié devra en reverser une partie (opération juridique appelée "réduction"). Un travail d'anticipation pour les partenaires ou concubins, avec l'aide d'un notaire, consistera donc à déterminer si le legs envisagé excèdera la quotité disponible.

Un second risque porte sur le mécanisme appelé "droit de retour". Il prévoit que les parents d'un partenaire pacsé ou d'un concubin décédé sans enfants peuvent, lors du règlement de la succession, reprendre les biens qu’ils lui avaient préalablement donnés. La situation peut s’avérer problématique si le donataire en avait déjà disposé en faveur de son partenaire.

Comment limiter les effets de l'action en réduction des héritiers réservataires ?

En présence d'enfants du défunt, des solutions permettent théoriquement de sécuriser une libéralité dont le risque de réduction est important (par exemple, le legs du logement de la famille qui constitue le principal bien du testateur). Le défunt peut espérer un compromis avec ses héritiers, qui sans renoncer totalement à leurs droits, peuvent accepter, par exemple, d’attendre le décès du partenaire ou du concubin. La loi offre à ce titre deux possibilités :

• un délai de paiement de l'indemnité de réduction

L'indemnité de réduction est normalement exigible au moment du partage. Les cohéritiers peuvent toutefois s'accorder sur un délai de paiement. Il n'y a, dans ce cas, ni limite de durée, ni réglementation particulière sur le taux d'intérêt. La loi donne, en outre, une garantie aux héritiers réservataires : l’obligation pour le débiteur de payer immédiatement les sommes restant dues en cas de vente du logement.

Lorsque la libéralité porte sur un bien ayant fait l'objet d'une attribution préférentielle (ce qui peut être le cas s'agissant du logement commun aux partenaires), le juge peut aussi accorder des délais de paiement, s'ils ne l'ont pas déjà été expressément prévus par le défunt. Dans ce cas, le délai accordé est limité à 10 ans au maximum. Là aussi, la vente du bien entraînera automatiquement le paiement des sommes restant dues.

• La renonciation à l’action en réduction

Les héritiers réservataires peuvent, de manière anticipée, renoncer à demander leur dû. La renonciation, qui fait nécessairement l'objet d'un acte authentique spécifique, doit être sans contrepartie. Attention, la renonciation n'est toutefois pas définitive. Le renonçant peut effectivement demander au juge la révocation du pacte de renonciation dans les cas suivants :

  • lorsqu'il se trouve dans un état de besoin au moment du décès qui ne serait pas tel s'il n'avait pas renoncé,
  • si le défunt n'a pas rempli ses obligations alimentaires à son égard,
  • si le bénéficiaire de la renonciation s'est rendu coupable d'un crime ou d'un délit à l'encontre de sa personne.

D’autres moyens de transmission peuvent être utilisés

D’autres solutions permettent aux partenaires pacsés et aux concubins de se transmettre des biens sans utiliser les procédés classiques. Les mécanismes présentés ci-après ne sont pas exhaustifs. La plupart d'entre eux ont pour objectif premier de tenter de sécuriser l'acquisition du logement commun, au-delà de la simple acquisition en indivision, au mieux assortie d'une convention établie sur mesure, ou de la constitution d'une société civile immobilière.

L'assurance-vie

La souscription d’un contrat d’assurance-vie en faveur du partenaire pacsé ou du concubin est un moyen efficace de lui garantir le versement d’un capital en cas de décès, même en présence d’enfants réservataires. Le contrat peut être utilisé pour son objectif principal - transmettre un capital - ou avoir pour but de constituer un "fonds de secours" en faveur du partenaire survivant, par exemple, pour lui faciliter le paiement de droits fiscaux, le paiement d'une indemnité en réduction ou le rachat d'une part indivise.

Le souscripteur doit toutefois prendre en compte certains éléments :

  • l’assurance-vie est en principe "hors succession" mais elle n’échappe pas pour autant à toute fiscalité, même si celle-ci reste avantageuse,
  • des précautions doivent être prises afin d’éviter toute requalification postérieure en raison de primes manifestement exagérées ou en raison de circonstances laissant à penser que le contrat est en réalité une simple donation.

La tontine ou "clause d’accroissement"

La tontine est une formule permettant à deux personnes qui achètent un bien ensemble de prévoir que celui-ci reviendra dans son intégralité au dernier survivant en cas de décès de l'un d'eux. La clause dite "d'accroissement" est intégrée dans l'acte d'acquisition. Les héritiers n’ont donc aucun droit sur le bien. Sur le plan civil, la formule peut ainsi avoir son intérêt pour l'acquisition de la résidence principale, nonobstant les cas de mésentente ou de séparation qui peuvent s'avérer plus bloquants que dans le cadre d'une simple indivision. On sort, en effet, d'un tel pacte uniquement par accord commun...

La règle fiscale a également de quoi refroidir les ardeurs. En effet, lorsque la tontine se dénoue par un décès, le survivant doit par principe payer les droits de succession, là encore, au taux de 60 %. Le seul cas d'exonération pour le partenaire se retrouvant pleinement propriétaire concerne la résidence principale, mais seulement si la valeur de celle-ci n'excède pas 76 000 €.... un montant fixé en 1980 et aujourd'hui trop faible au regard de l'évolution des prix de l'immobilier. Précisons qu'au-delà de ce plafond, les droits de succession sont appliqués sur la valeur totale du logement, et non sur la fraction excédant 76 000 €.

La vente en viager

Une vente en viager d'un logement est autorisée entre partenaires pacsés ou entre concubins dès lors que le prix de vente, sur lequel reposent le bouquet de départ et le montant de la rente, est conforme aux conditions du marché. Il ne doit donc pas être sous-évalué. Autre condition impérative à respecter : l'aléa, élément clé d'une vente en viager. En effet, le contrat de vente peut être annulé, par exemple à la demande des héritiers, si, à la date de la signature, la durée de vie du vendeur était prévisible compte tenu de son âge ou de son état de santé. Selon l'article 1975 du Code civil, le contrat de vente en viager ne produit aucun effet si le vendeur décède dans les 20 jours de la maladie dont il était atteint.

Si toutes les conditions sont respectées, le débirentier, acquéreur du logement, récupère automatiquement les clés du logement au décès du vendeur.

Bon à savoir

Le viager financier entre particuliers est possible et il doit répondre aux mêmes conditions que le viager immobilier. Cependant, la technique est rarement utilisée. Le viager financier s'opère plus couramment avec un organisme d'assurance ou un fonds spécialisé.

L'acquisition en démembrement

Ici, il s'agit de procéder à l'acquisition d'un bien en démembrant la propriété, l'un des partenaires achetant la totalité en nue-propriété, et l'autre l'usufruit. Bien évidemment, le procédé intéresse avant tout le nu-propriétaire, qui sera de fait favorisé lors du prédécès de l'usufruitier. La solution est susceptible de présenter un intérêt quand il existe une grande différence d'âge entre les deux partenaires. Elle a aussi sans conteste des avantages au regard du droit civil. En revanche, elle comporte des aléas, au premier desquels, tout naturellement, l'ordre normalement attendu des décès qui pourrait être contrarié, et ensuite, une situation inconfortable pour le nu-propriétaire en cas de mésentente dans le couple, celui-ci étant un propriétaire sans titre d'occupation...

Sur le plan fiscal, l'administration ne trouvera rien à redire si les participations respectives des deux partenaires sont conformes à leur contribution financière.

L'acquisition croisée en démembrement

Dans le cadre d’une acquisition croisée en démembrement, chacun achète :

  • la nue-propriété de la moitié d’un immeuble
  • et l’usufruit de l'autre moitié de ce même bien.

Au premier décès, le survivant se retrouve propriétaire d'une moitié indivise, en franchise de droits de succession, et conserve l'usufruit de l'autre moitié acquis à l'origine, les héritiers du défunt recevant la nue-propriété de ce dernier. Le survivant conserve ainsi jusqu'à son décès la jouissance du logement.

Cet outil est fréquemment proposé aux concubins même si certains juristes se montrent très critiques. Il est en tout cas à manier avec précaution. Il peut être activé dans le cadre d'une simple indivision entre partenaires ou concomitamment à la constitution d'une société civile immobilière.

Tenter de s'expatrier ?

Exercer une activité à l'étranger, puis finalement s'y établir durablement, peut avoir des conséquences pour ses affaires patrimoniales, notamment en matière de transmission. L'expatriation peut, de ce fait, être vue comme l'opportunité de profiter d'une loi étrangère qui assure une protection différente de celle accordée par la loi française. Ainsi, par exemple, le droit néerlandais accorde-t-il d'importantes prérogatives au partenaire pour jouir et disposer de l'intégralité des biens de la succession. De même, pour des Français, fortunés ou pas, vouloir s'affranchir de la règle sur la réserve héréditaire peut être tentant.

L'expatriation en Europe est, en principe, encadrée, puisque le règlement du 4 juillet 2012 relatif aux procédures de liquidation des successions internationales prévoit expressément que la loi désignée pour régler la succession pourra être écartée si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public national du pays d'origine du défunt en cas de recours auprès des tribunaux. La règle de la réserve héréditaire appliquée en France est donc normalement protégée. Qu'en est-il si le lieu de résidence et de vie habituelle du défunt se situe dans un pays en dehors de l'Union européenne ? La récente actualité, avec le règlement des successions de Maurice Jarre et de Johnny Hallyday, démontre bien que vouloir échapper, volontairement ou involontairement, à la loi française n'empêchera pas les conflits.

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