L’AMF sonne le glas des promesses de gains virtuelles des offres de placement non traditionnelles

Depuis plusieurs années, l’AMF et l’ACPR , les deux "Gendarmes" publics chargés de la protection des épargnants, n’ont de cesse d’alerter le public sur les propositions d’investissement dans des placements non traditionnels

Depuis plusieurs années, l’AMF (Autorité des marchés financiers) et l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), les deux "Gendarmes" publics chargés de la protection des épargnants, n’ont de cesse d’alerter le public sur les propositions d’investissement dans des placements non traditionnels, assorties d’espérance de gains que les deux Autorités jugent souvent irréalistes ou farfelues. Qu’il s’agisse de placements financiers risqués, comme les devises, ou de placements dits atypiques ou alternatifs, comme le vin, le diamant ou les œuvres d’art, ces formules d’investissement ont attiré les épargnants à la recherche de rendements plus élevés que l’épargne classique ou d’un placement "coup de cœur" en vue de diversifier leur patrimoine. En outre, Internet et son caractère sans frontières a particulièrement bien contribué au développement des offres. Le revers de la médaille est un manque d’encadrement des propositions commerciales et une augmentation significative des plaintes.

Forex et options binaires : ampleur des dégâts

  • Environ 420 sites non autorisés fin juin 2017, contre 4 en 2010.
  • 30 % des 11 000 appels téléphoniques reçus par la plateforme commune AMF-ACPR en 2016 (document AMF, mai 2017).
  • 9 clients ayant investi sur le forex sur 10 sont perdants, pour un résultat négatif moyen de 10 900 € (étude AMF sur les années 2009 à 2012).
  • 823 733 € recouvrés en 2016 par le médiateur de l'AMF, ce qui représente 79 % des sommes perdues (environ 11 900 € par dossier traité).

L’AMF n’a rien contre les nouvelles propositions de placement ; "certaines d’entre elles sont honnêtes", affirme-t-elle sur son site Internet. Elle dénonce avant tout la manière dont elles sont présentées aux épargnants. S’agissant des produits financiers spéculatifs, les mécanismes de fonctionnement, parfois complexes, sont peu explicités. Et dans tous les cas, les promesses de performance sont généralement illusoires et les risques de perte sont minimisés.

Forex et options binaires : stop pub !

En France, l’AMF autorise les différents acteurs intervenant sur les marchés financiers, de la société cotée aux professionnels fournissant des services d’investissement. De même, elle délivre un visa pour une opération financière particulière faisant appel public à l'épargne (par exemple, l'introduction d'une société sur un marché boursier) ou le lancement d'un produit d’épargne financier (par exemple, une Sicav) qui atteste que le ou les documents diffusés comportent les éléments essentiels qu’un investisseur doit connaître avant de s’engager.

Depuis 10 ans, de nombreux produits financiers, hautement spéculatifs et risqués, comme les options binaires ou les opérations sur le marché des devises (Forex), sont accessibles aux particuliers et Internet a permis la multiplication des offres émanant d’entités n’ayant pas toujours l’autorisation pour opérer en France. Seul véritable moyen de pression pour elles, l’AMF et l’ACPR publient régulièrement des "listes noires" de ces sites Internet non autorisés en alertant à chaque fois le public sur les risques encourus en cas d’investissement hasardeux. Parallèlement, les deux autorités font régulièrement œuvre de pédagogie en expliquant comment fonctionnent ces produits, en signalant les pratiques mises en œuvre pour piéger les épargnants et les messages publicitaires trompeurs et en mettant en garde contre les promesses de gains alléchantes.

A défaut d’interdire les produits en question, à l’instar de la Belgique par exemple, la France a pour le moment simplement adopté le principe d'une interdiction générale de toute opération de publicité à l’attention du grand public, qu’elle soit directe ou indirecte, comme les opérations de parrainage ou de mécénat (article 77 de la loi "Sapin 2" du 9 décembre 2016).

Sont visés les produits définis à l’article L533-12-7 du Code monétaire et financier ayant les caractéristiques suivantes :

  • ils ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation ;
  • le risque maximal n'est pas connu au moment de la souscription ;
  • le risque de perte est supérieur au montant de l'apport financier initial ;
  • le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n'est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé.

A la suite d’une consultation publique, l’AMF a précisé et confirmé, en janvier 2017, les catégories de contrats visés par l’interdiction de publicité :

  • les options binaires,
  • les CFD (contrats financiers sur la différence),
  • et les contrats financiers sur devises (négociés sur le forex).

Contrôle renforcé sur les offres de placement "plaisir"

Alerté par des épargnants à maintes reprises, l’AMF a également renforcé sa vigilance sur les offres d’investissement particulières qui ne reposent pas sur un contrat financier mais sur l’acquisition d’un bien particulier. Il peut s’agir d’œuvres d’art, de métaux précieux, de diamants, d’une cave à vin, d’une parcelle de bois dans un pays exotique, etc. Même si elle ne conteste pas l'intérêt personnel de chaque épargnant, l’AMF déplore le regain d’intérêt pour ces placements perçus comme concrets mais jugés à tort comme rassurants.

Jusqu'à présent, dans ce domaine, l’Autorité de contrôle ne disposait pas de moyen de contrôle préalable des offres émises auprès du public comme elle en dispose pour les produits financiers.

L'article 79 de la loi "Sapin 2" a modifié la donne en instaurant une autorisation systématique de mise sur le marché de toute opération d’investissement en bien divers, délivrée par l’AMF. La procédure est aujourd’hui opérationnelle (arrêté publié au Journal officiel du 10 mai et doctrine AMF datée du 17 mai 2017) : elle s’applique à toute offre commerciale actuellement active, laquelle doit donc être enregistrée pour pouvoir être poursuivie.

Concrètement, une société souhaitant commercialiser des biens divers doit déposer un dossier auprès de l’AMF qui, avant de délivrer un numéro d’enregistrement, va :

  • vérifier la qualité de l’intermédiaire : organisation de la société, honorabilité de ses dirigeants, leurs compétences, leur expérience, justification de la souscription d’une assurance de responsabilité professionnelle, etc.
  • et examiner l’existence de garanties suffisantes : compte dédié, assurance des biens, procédure de revalorisation, intervention d’un expert indépendant, justification d’une attestation de l’acquisition des biens, garantie de liquidité le cas échéant, etc.

Dans les deux cas, les critères sont analysés au regard de l’opération proposée.

L’AMF s'assure également que le document d'information public, comparable au prospectus diffusé pour les offres classiques, ainsi que les projets de contrats type sont :

  • conformes à ses exigences, avec notamment le respect de la règle dite des "3 C" : l’information doit être "complète, cohérente et compréhensible", et l'inclusion d’une illustration du fonctionnement du placement,
  • et accompagnés des annexes : rapport de l’expert indépendant, justificatifs du respect des nouvelles garanties et projets de communication à caractère promotionnel.

La commercialisation de l’offre ne peut pas commencer tant que le numéro d’enregistrement n’est pas délivré.

Bon à savoir

Les intermédiaires visés par ces dispositions sont soumis à une obligation d’information semestrielle envers l’AMF, notamment du montant hors taxes des capitaux recueillis et du nombre d’investisseurs concernés.

Comme pour les contrats financiers, l’AMF, dans sa mission de veille, pourra ainsi alerter le public et diffuser une liste d’opérateurs œuvrant sans autorisation, comme elle vient de le faire en juillet avec la première édition d’une "liste noire" d'acteurs non autorisés proposant des diamants d’investissement, et engager des poursuites le cas échéant.

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