L'habilitation familiale en 10 questions

Qu'est-ce qu'une habilitation familiale ?

L'habilitation familiale permet aux familles capables de veiller seules sur les intérêts de leurs proches vulnérables et d'assurer leur protection sans avoir à recourir aux mesures traditionnelles de protection judiciaire, comme la sauvegarde de justice, la curatelle ou la tutelle. La ou les personnes habilitées peuvent, dans ce cadre, représenter ou passer des actes au nom de la personne placée sous habilitation. Une fois la ou les personnes désignées pour l'habilitation, le juge n'intervient plus contrairement aux autres mesures de protection.

Quelles sont les personnes placées sous habilitation ?

L'habilitation familiale concerne les majeurs dans l'impossibilité de défendre seuls leurs intérêts en raison d'une altération de leurs facultés mentales ou de leurs facultés corporelles de nature à empêcher l'expression de leur volonté. L'altération doit être constatée médicalement.

Le juge ne peut pas ordonner une habilitation familiale lorsqu'il peut être suffisamment pourvu aux intérêts du majeur par la représentation de droit commun ou le mandat de protection future.

Quelles personnes peuvent être habilitées ?

Seuls les proches du majeur à protéger peuvent être habilités : parents, grands-parents, enfants, petits-enfants, frères, soeurs, partenaire de Pacs ou concubin. Le juge peut habiliter une ou plusieurs personnes.

La personne habilitée exerce sa mission à titre gratuit.

En projet

Le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 15 octobre 2015 qui a institué l'habilitation familiale prévoit d'ajouter à cette liste le conjoint, à moins que la communauté de vie ait cessé entre les époux.

Comment est délivrée l'habilitation familiale ?

La demande doit être présentée au juge des tutelles du lieu de résidence habituel du majeur à protéger. La requête doit être remise au greffe du tribunal d'instance. Elle comporte diverses mentions obligatoires (principalement, les nom, prénoms et adresse du majeur, l'énoncé des faits justifiant l'ouverture de la mesure et l'identité des personnes appartenant à l'entourage). La demande doit être accompagnée d'un certificat médical circonstancié établi par un médecin inscrit sur une liste établie par le procureur de la République.

Le juge doit en principe procéder à l'audition, d'une part, du majeur sauf si la santé ou l'état mental ne le permet pas, et d'autre part, du requérant. Il peut ordonner toutes les mesures d'information qu'il juge utiles (par exemple, une enquête sociale). Il doit s'assurer, par écrit ou par le biais d'une audition, de l'adhésion ou, à défaut, de l'absence d'opposition légitime des proches du majeur à la mesure d'habilitation et au choix de la personne qui sera habilitée. Il doit vérifier également que le dispositif projeté est conforme aux intérêts patrimoniaux et personnels du majeur.

Le juge a un an pour statuer à compter du dépôt de la demande. Dans son jugement, le juge se prononce sur le choix de la personne habilitée et fixe l'étendue de l'habilitation. La décision est notifiée au majeur, à ses proches et à la personne habilitée.

Quel recours contre une mesure d'habilitation familiale ?

Un recours est possible contre la décision du juge qui délivre l'habilitation familiale. Il doit être formé dans les 15 jours suivant la notification de la décision.

Par la suite, à la demande de l'un des proches du majeur, le juge des tutelles doit statuer sur les difficultés pouvant survenir dans la mise en oeuvre de l'habilitation. Il peut à tout moment modifier l'étendue de la mesure ou y mettre fin, après avoir entendu ou appelé le majeur et la personne habilitée.

Quels sont les pouvoirs de la personne habilitée ?

L'habilitation peut porter sur les biens du majeur ou sur sa protection personnelle.

La personne habilitée peut recevoir le pouvoir d'accomplir les actes qu'un tuteur peut réaliser seul ou avec une autorisation. Elle peut accomplir tant les actes d'administration que les actes de dispositions, excepté toutefois les actes de disposition à titre gratuit pour lesquels l'autorisation du juge est requise.

Dans l'intérêt du majeur, le juge peut donner une portée générale à l'habilitation ou la limiter à certains actes (par exemple, la limiter aux seuls actes relatifs aux biens).

Contrairement au tuteur et au curateur, la personne habilitée peut, sauf décision contraire du juge des tutelles, procéder à la modification des comptes ou livrets bancaires ouverts au nom du majeur ou à l'ouverture d'un autre compte ou livret.

Bon à savoir

La personne habilitée ne peut accomplir un acte pour lequel elle est en opposition d'intérêts avec la personne protégée, sauf si, dans l'intérêt du majeur, le juge l'y autorise à titre exceptionnel.

Si la personne habilitée accomplit seule un acte qui n'entre pas dans le champ de son habilitation ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge des tutelles, l'acte est nul "de plein droit".

Quelle est la capacité du majeur sous habilitation ?

Le majeur perd la capacité d'accomplir les actes faisant l'objet de l'habilitation. Il conserve les autres droits, sauf dans le cas d'une habilitation générale.

Si le majeur protégé fait seul un acte qui relève de l'habilitation, celui-ci est nul de plein droit. La nullité doit être prononcée même si le majeur n'a subi aucun préjudice.

Quelles sont les obligations de la personne habilitée ?

Contrairement au tuteur ou même au curateur dans le cadre d'une curatelle renforcée, la personne habilitée est dispensée d'établir un compte-rendu annuel de sa gestion.

Rappel : à la demande de l'un des proches du majeur, le juge des tutelles doit statuer sur les difficultés pouvant survenir dans la mise en oeuvre de l'habilitation. Il peut à tout moment modifier l'étendue de la mesure ou y mettre fin, après avoir entendu ou appelé le majeur et la personne habilitée.

Quelle est la responsabilité de la personne habilitée ?

Les règles de la responsabilité de la personne habilitée sont identiques à celles applicables au mandataire dans le cadre d'un mandat de protection future. Par conséquent, la personne habilitée doit répondre des dommages qu'elle aurait pu causer dans sa gestion. L'habilitation étant une mission expressément exercée à titre gratuit, la ou les fautes doivent être appréciées avec indulgence.

 Quelle est la durée de l'habilitation ? Quand prend-elle fin ?

Il revient au juge qui décide de délivrer une habilitation d'en fixer la durée. Il n'y a pas de minimum, mais celle-ci ne doit pas excéder dix ans.

A la demande des proches, le juge des tutelles peut renouveler l'habilitation. Le dossier de demande de renouvellement doit comporter les mêmes éléments que celui de la première demande et la procédure est similaire.

La durée du renouvellement est en principe celle de la mesure initiale. Cependant, lorsque l'altération des facultés personnelles du majeur protégé n'est pas susceptible de connaître une amélioration selon les données acquises de la science, le juge peut, par décision spécialement motivée et sur avis conforme d'un médecin agréé, renouveler le dispositif pour une durée plus longue n'excédant pas vingt ans.

Hormis le décès du majeur bénéficiant de la protection, il existe quatre causes de cessation de l'habilitation familiale :

  • le placement du majeur sous sauvegarde de justice, sous curatelle ou sous tutelle,
  • un jugement prononcé par le juge des tutelles constatant que les causes ayant justifié l'habilitation familiale ont disparu ou que son exécution peut porter atteinte aux intérêts,
  • l'accomplissement des actes pour lesquels l'habilitation avait été délivrée,
  • l'absence de renouvellement de la mesure à l'expiration de la durée fixée par le juge.

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