Maîtriser la rédaction de la clause bénéficiaire du contrat d'assurance-vie

Importance de la clause bénéficiaire

La désignation d'un bénéficiaire est facultative et ne constitue pas une condition de validité du contrat. Pour profiter cependant du régime spécifique de l'assurance-vie, tant sur le plan civil que fiscal, le bénéficiaire doit être considéré comme déterminé, ou du moins comme déterminable.

En effet :

  • les prestations versées au décès de l'assuré à un bénéficiaire déterminé échappent normalement aux règles du droit successoral,
  • inversement, en l'absence de bénéficiaire déterminé, ces mêmes prestations sont réintégrées dans l'actif successoral et attribuées selon les règles successorales de droit commun et soumises aux droits de succession selon les règles habituelles, la fiscalité de l'assurance vie ne s'appliquant pas ici.

Il y a absence de bénéficiaire déterminé lorsque le contrat :

  • ne comporte pas de clause bénéficiaire, situation peu fréquente mais non théorique,
  • ou comporte une clause bénéficiaire trop imprécise,
  • ou désigne un bénéficiaire lui-même décédé avant l'assuré, sans que des bénéficiaires de même rang ou de rang suivant aient été désignés.

Obligation d'information de l'assureur vis-à-vis du souscripteur

L'assureur est tenu d'informer le souscripteur sur les modalités et les conséquences de la désignation du ou des bénéficiaires. Les informations doivent figurer dans le contrat ou dans la notice d'information l'accompagnant. En outre, l'attention du souscripteur doit être attirée par le fait que la désignation devient irrévocable en cas d'acceptation par le bénéficiaire.

Contenu de la clause bénéficiaire

L'efficacité de la clause bénéficiaire dépend de la clarté et de la précision de sa rédaction. Sur ce point, le souscripteur est libre de substituer aux clauses types toute clause lui semblant mieux adaptée à sa situation particulière.

La désignation est dite :

  •  directe, si le bénéficiaire est nommément désigné (Mme Claire Dupond, par exemple),
  •  indirecte, s'il n'est pas désigné par son nom, mais par sa qualité (mon conjoint, mes enfants, mes héritiers, etc.).

Afin d'éviter toute ambiguïté, source de difficultés d'interprétation, il peut être vivement conseillé d'être le plus précis possible sur l'identité complète du ou des bénéficiaires, en ajoutant éventuellement son adresse, sa date et son lieu de naissance, par exemple.

Différents rangs de bénéficiaires

Le souscripteur peut désigner des bénéficiaires successifs, autrement dit :

  •  un ou plusieurs bénéficiaires dits "de premier rang", ayant effectivement vocation à recevoir les prestations lorsque le décès survient,
  •  et, à titre subsidiaire, un ou plusieurs bénéficiaires dits "de second rang", qui ne peuvent prétendre au bénéfice du contrat qu'à défaut de bénéficiaire(s) de premier rang.

Il n'existe aucune limite au nombre de rangs des bénéficiaires.

Une attention toute particulière doit être portée aux instructions de répartition entre bénéficiaires de même rang. D'une part, il s'agit de considérer la répartition entre chacun d'eux (par parts égales ou non, voir exemple 1 et 2 ci-dessous), mais il s'agit aussi de prévoir ce qu'il advient en cas de prédécès de l'un d'entre eux.

Il faut savoir que si le bénéficiaire unique de premier rang est prédécédé ou s'il renonce au bénéfice du contrat, les prestations ne sont pas versées aux ayants droit du bénéficiaire de premier rang (ses héritiers, par exemple), mais aux bénéficiaires de rang suivant, désignés à titre subsidiaire, dès lors qu'ils sont vivants au jour de la réalisation du risque assuré. En l'absence de bénéficiaire de second rang, les prestations garanties font partie de la succession de l'assuré et sont donc attribuées selon les règles du droit successoral et soumises, le cas échéant, aux droits de succession. L'ajout d'une clause dite de représentation permet de pallier cet écueil et de transmettre aux héritiers du bénéficiaire ses droits au bénéfice.

Exemple 1

Clause bénéficiaire : "Mes enfants". En cas de pluralité d’enfants, les sommes sont réparties par parts égales entre chacun d’eux. En cas de prédécès de l’un d’entre eux, sa quote-part est répartie par parts égales entre les frères et sœurs survivants.

Exemple 2

Clause bénéficiaire désignant comme bénéficiaires de premier rang A pour 75 % et B pour 25 %. Dans ce cas de figure, le contractant doit penser à indiquer ce que devient la quote-part de A ou de B en cas de prédécès de A ou de B. En effet, en cas de prédécès de A, les 75 % qui lui étaient réservés reviennent-ils à B ou aux bénéficiaires de second rang ? Même question en cas de prédécès de B.

Cas du conjoint bénéficiaire

S'agissant du conjoint, il est particulièrement recommandé de ne pas mélanger désignation nominative et indication de la qualité de conjoint, cette qualité n'étant pas immuable (en cas de divorce, notamment). En effet, la qualité de conjoint s’apprécie au jour de l'exigibilité des prestations et non pas au jour de la souscription ou de la désignation du bénéficiaire.

Si au décès de l’assuré, le conjoint est une personne différente de la personne nommément désignée, la clause deviendrait ambiguë et l’assureur ne pourrait interpréter ce qu’a réellement voulu l’assuré de son vivant. Dans ce cas, seuls les juges ont le pouvoir d'interpréter souverainement une clause bénéficiaire ambiguë. Or, la jurisprudence récente considère que la qualité prime sur l'identité. Ainsi, si la personne désignée nommément n’a plus la qualité de conjoint au décès de l’assuré, elle ne doit plus être considérée comme bénéficiaire.

Clause rédigée au profit des "enfants nés ou à naître"

Comme pour le conjoint, il est préférable de prévoir une clause qui désigne les enfants par leur qualité plutôt que par leur prénom, sauf à risquer des conflits entre eux après le décès du souscripteur. En effet, la notion d'enfants nés à naître s'apprécie également au jour de l'exigibilité des prestations garanties. A cette date, doivent donc être considérés comme bénéficiaires déterminés et ont donc vocation à se partager les prestations garanties (par parts égales à défaut de volonté contraire du souscripteur) :

  • les enfants nés et vivants, dont le lien de filiation est légalement établi,
  • ainsi que les enfants conçus, mais non encore nés.

L'ajout d'une clause de représentation permettra aussi dans cette situation d'assurer une totale égalité entre les enfants bénéficiaires, incluant, le cas échéant, les petits-enfants, en cas de prédécès de l'un d'eux.

Clause rédigée au profit des "héritiers"

Après celle en faveur du conjoint, il s'agit souvent d'une des clauses courantes prérédigées dans les contrats. Si la clause bénéficiaire porte simplement la mention "au bénéfice de mes héritiers", sans les citer nommément et sans autre précision, les prestations garanties sont alors réparties entre les héritiers :

  • conformément à la volonté du souscripteur,
  • ou, à défaut, à proportion de leur part héréditaire prévue par le Code civil.

Cependant, la désignation "mes héritiers" doit être évitée lorsqu'une qualification plus précise peut être utilisée. En effet, la clause est souvent à l'origine de difficultés d'interprétation, notamment lorsque l'assuré a désigné par ailleurs par testament un légataire universel. Les sommes doivent-elles être versées aux seuls héritiers légaux ou à toutes les personnes appelées à la succession de l'assuré ? Sur la base d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 avril 1978, la jurisprudence a longtemps retenu une définition large du terme "héritier" couvrant l'ensemble des successeurs. Mais devant la complexité des situations, les tribunaux sont de plus en plus souvent amenés à effectuer une interprétation de l'intention du souscripteur (notamment arrêt du 12 mai 2010), ce qui est source d'insécurité majeure.

Remarque

Lorsque la clause bénéficiaire porte simplement la mention "au bénéfice de mes héritiers", ces derniers conservent leur droit à ces prestations, même si, par ailleurs, ils renoncent à la succession.

Les modalités de la désignation du bénéficiaire

La désignation du bénéficiaire peut être effectuée à tout moment, depuis le jour de la conclusion du contrat jusqu'à son échéance. Elle n'est soumise à aucune condition de forme particulière.

Le bénéficiaire peut ainsi être désigné :

  •  dans la demande de souscription ou d'adhésion, ou par avenant au contrat (ce qui est souvent le cas),
  •  ou par simple lettre,
  •  ou par endossement quand la police est à ordre,
  •  ou par signification par acte d'huissier,
  •  ou encore par testament, solution permettant de tenir secrète la désignation et éviter que le bénéficiaire ne donne son acceptation, ce qui rend en principe la désignation irrévocable.

Acceptation du contrat par le bénéficiaire

Le souscripteur du contrat d'assurance-vie n'est aucunement tenu d'avertir le bénéficiaire de l'existence du contrat. Il lui appartient simplement de prendre les précautions nécessaires pour que la ou les personnes désignées soient informées de leurs droits à l'échéance prévue. Cependant, le bénéficiaire peut, du vivant de l'assuré, accepter le bénéfice du contrat, mais la démarche n'est pas sans conséquence.

Principe général : l'acceptation est facultative

L'acceptation est facultative et peut intervenir à tout moment, depuis le jour où le bénéficiaire a eu connaissance de la clause le concernant et jusqu'au terme du contrat.

Cependant, la loi conditionne maintenant l'acceptation du bénéficiaire à l'accord du souscripteur. Cette disposition vaut pour les contrats n'ayant pas encore donné lieu à acceptation du bénéficiaire au 18 décembre 2007. L'acceptation doit être effectuée :

  • par un avenant signé de l'assureur, du souscripteur et du bénéficiaire,
  • ou par un acte notarié ou sous seing privé, signé par le souscripteur et le bénéficiaire : l'acceptation n'a alors d'effet à l'égard de l'assureur que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit.

Conséquence de l'acceptation : irrévocabilité

L'acceptation a pour principal effet de consolider le droit du bénéficiaire sur le contrat. Sauf exceptions (voir paragraphe suivant), le bénéficiaire acceptant ne peut plus être révoqué par le souscripteur.

Pour les contrats ayant donné lieu à acceptation à compter du 18 décembre 2007, l'article L. 132-9 du Code des assurances précise clairement que, pendant toute la durée du contrat, l'accord du bénéficiaire acceptant est requis dès lors que le souscripteur entend procéder à un rachat ou se faire consentir une avance.

Il en est autrement des contrats acceptés avant le 18 décembre 2007 pour lesquels il existait des divergences de pratique. Dans un important arrêt du 22 février 2008, la Cour de cassation a jugé que, dès lors que le droit au rachat du souscripteur était prévu à un tel contrat, le bénéficiaire qui avait accepté sa désignation ne pouvait pas s'opposer à la demande du rachat du contrat en l'absence de renonciation expresse du souscripteur à ce droit.

Remarque

Dans tous les cas, l'acceptation ne fait cependant pas obstacle à ce que le souscripteur cesse d'alimenter le contrat. Celui-ci est alors mis en réduction. Le contrat se poursuit mais avec une garantie inférieure à celle prévue initialement, compte tenu notamment de la suspension du versement des primes.

Changement et révocation du bénéficiaire

Dès lors que le bénéficiaire n'a pas expressément accepté le contrat selon le formalisme présenté précédemment, le souscripteur-assuré a entière liberté pour changer de bénéficiaire. L'annulation de la désignation du bénéficiaire n'a aucun effet sur la validité du contrat.

Comme la désignation, le changement et la révocation du bénéficiaire ne sont soumis à aucune règle de forme particulière. Ils peuvent être constatés par avenant au contrat, simple lettre ou testament.

Le bénéficiaire peut néanmoins être révoqué, sans son consentement et même après acceptation, en cas d'ingratitude (sévices, meurtre ou tentative de meurtre du souscripteur ou de l'assuré, par exemple). Il peut aussi l'être, mais sous certaines conditions, dans les cas suivants :

  • survenance d'un enfant,
  • divorce,
  • mise sous tutelle ou curatelle du souscripteur.

Information du bénéficiaire

Les assureurs sont normalement tenus de s'informer du décès éventuel de l'assuré ; une obligation qui a été renforcée récemment par la loi du 13 juin 2014 sur les contrats en déshérence. Ils sont également tenus de rechercher de manière effective le bénéficiaire et, si cette recherche aboutit, de l'aviser de la clause bénéficiaire rédigée à son profit.

Toute personne a la possibilité de demander à un organisme professionnel dénommé AGIRA à être informé de l'existence d'une clause bénéficiaire rédigée à son profit par une personne physique dont elle apporte la preuve du décès (AGIRA - Recherche des bénéficiaires en cas de décès - 1, rue Jules-Lefebvre - 75431 Paris Cedex 09).

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