Que reste-t-il des incitations fiscales à l'investissement immobilier locatif ?

Dans l'univers des placements dits de défiscalisation, les investissements dans l'immobilier locatif occupent une place prépondérante depuis le milieu des années 90.

Dans l'univers des placements dits de défiscalisation, les investissements dans l'immobilier locatif occupent une place prépondérante depuis le milieu des années 90. Les pouvoirs publics leur avaient assignés deux objectifs : appui au secteur du bâtiment et soutien à l'offre de logements locatifs dans le parc privé, avec, à la clé, des logements de meilleure qualité mis sur le marché. Pour les particuliers, qui se détournaient progressivement des marchés boursiers, jugés trop volatils, ce type d'investissement semblait apporter une alternative de placement a priori plus sécurisante.

Cependant, depuis 15 ans, les gouvernements successifs ont été amenés à réduire la voilure des avantages fiscaux accordés en la matière. La plupart des dispositifs ont été remis à plat soit en fonction de choix politiques prononcés (favoriser la construction neuve plutôt que l'immobilier ancien, plafonner ou ne pas plafonner les loyers, mettre sous conditions de ressources ou pas, etc.), soit pour corriger des dérives constatées sur certains marchés immobiliers locaux (par exemple, multiplication de constructions neuves dans des zones où le marché locatif n'est pas suffisamment actif et inversement). Les années de crise 2008-2011 et la chasse aux "niches fiscales" ont également fortement pesé sur les mesures de recentrage.

Un rapport coût / efficacité clairement remis en cause par la Cour des comptes

En janvier 2018, la Cour des comptes, qui veille au bon emploi de l'argent public, attirait l'attention de l'exécutif sur le coût élevé des dépenses fiscales en matière d'immobilier locatif au regard de leur faible efficacité. Pour la seule année 2016, le coût global des avantages fiscaux consentis atteignait 1,7 milliard d'euros, contre 606 millions d'euros en 2009. Et de souligner en premier lieu que les aides étaient "principalement destinées à des ménages dont les revenus sont relativement élevés, et même parfois importants".

Au-delà du montant annuel régulièrement en hausse, l'institution de la rue Cambon rappelait que les dispositifs s'inscrivaient dans la durée et que certains disposaient d'une possibilité de prorogation. Par conséquent, il revenait d'apprécier également leur "coût générationnel", à savoir le cumul des réductions d'impôt consenties sur toute la période d'application. Elle estimait, par exemple, que les dépenses liées aux logements acquis ou construits en 2009 sous le régime Scellier allaient atteindre 3,9 milliards d'euros à l'échéance de 2024. Pour le dispositif Pinel, qui venait d'être prorogé jusqu'en 2021 par la loi de finances pour 2018, elle évaluait un coût global de 7,4 milliards d'euros à l'échéance 2035, en dépit du recentrage géographique mis en place cette année-là. En fin de compte, pour la Cour, les logements financés par ce canal valent très cher. Ainsi a-t-elle calculé que "le coût annuel pour les finances publiques d’un logement de 190 000 € bénéficiant de l’avantage Pinel était, toutes choses égales par ailleurs, trois fois plus élevé que celui d’un logement social comparable, financé par un prêt locatif social (PLS), ou deux fois plus élevé que celui d'un logement financé par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), alors même que la durée des locations est, dans ces derniers cas, bien supérieure (40 ans)".

L'étude de la Cour des comptes relativisait aussi les effets des aides publiques, d'une part, sur le secteur de la construction et, d'autre part, sur le niveau des loyers. L'argument souvent invoqué par les ministères concernés était que les aides fiscales visaient à augmenter l’offre locative et par voie de conséquence à exercer un effet modérateur sur l'évolution des loyers de marché. "La réalité de cet effet n' a pas été mesurée", rétorquait la Cour dans son analyse. Elle relevait même, au contraire, des indices qui suggéraient "le caractère potentiellement très limité de cet effet modérateur", notamment un faible niveau de constructions (entre 30 000 et 50 000 logements, au regard d'un parc global de 5,8 millions d'unités), une faible présence des logements aidés dans les zones les plus tendues en matière d'offres locatives, et un écart parfois incohérent entre les loyers plafonds et les loyers effectifs du marché, les premiers pouvant être dans certaines zones supérieurs aux seconds.

Au-delà des données strictement budgétaires, la Cour des comptes observait "un phénomène d’accoutumance, voire d’addiction" chez les différents opérateurs – constructeurs, promoteurs, banques – qui avaient intégré la pérennité de ces aides dans leur stratégie.

Recentrage des aides publiques

Force est de reconnaître aujourd'hui que la frénésie créatrice des gouvernants en la matière s'est quelque peu apaisée. Pour qui souhaite investir dans l'immobilier locatif, Il reste encore quatre dispositifs encore actifs, résumés dans le tableau ci-dessous.

S'il l'on met l'argument fiscal de côté, rappelons qu'il est extrêmement difficile de fournir des règles précises et immuables en ce qui concerne le choix d'un investissement immobilier. Il existe néanmoins des vérifications à effectuer (situation du bien au regard de l'urbanisme, niveau de solidité et d'entretien de l'immeuble, servitudes et hypothèques, etc.) et des critères à examiner avec attention (qualités techniques de la construction, éléments de confort, qualités de l'emplacement au regard des zones commerciales, des transports et des services publics, état des lieux du marché locatif local).

Dispositif Pinel-Denormandie : pour investir dans le secteur locatif dit "intermédiaire"

Objet et nature
de l'avantage fiscal

Acquisition d'ici au 31 décembre 2021 (2022 s'agissant du dispositif Denormandie) d'un logement neuf ou assimilé destiné à la location. L'investissement ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu.

Conditions
et engagement

Les logements concernés doivent :

  • être situés en France (métropole, DOM, collectivité territoriale d'outre-mer), dans certaines zones marquées par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements locatifs (zones A bis, A et B1, les zones B2 et C n'étant plus éligibles depuis 2018),
  • répondre à des exigences de performance énergétique.

À noter que le dispositif Pinel sera recentré à partir de 2021 sur les logements situés dans les seuls bâtiments collectifs. L'avantage fiscal ne pourra donc plus s'appliquer aux acquisitions de logements individuels.

Le dispositif Denormandie vise spécifiquement des logements faisant l'objet de travaux de rénovation pour au moins 25 % du coût total de l'opération (ou locaux ayant un autre usage transformés en logements) et situés dans des communes dont le besoin de réhabilitation de l'habitat est particulièrement marqué.

La réduction d'impôt est subordonnée à :

  • à un engagement de location de 6 ou 9 ans (avec une prorogation possible de 3 ans ou de deux fois 3 ans en cas d'engagement initial de 6 ans, soit un engagement maximal possible de 12 ans),
  • un plafonnement des loyers et un plafonnement des ressources du locataires qui diffèrent selon la zone géographique.

Modalités d'application
de l'avantage fiscal

Taux de la réduction d'IR étalée par part égale sur la durée de l'engagement :

  • 12 % en cas d'engagement sur 6 ans,
  • 18 % en cas d'engagement sur 9 ans.

En cas de prorogation, le taux est de :

  • 6 % pour un engagement sur 6 ans prorogé une fois, puis 3 % en cas de prorogation une seconde fois,
  • ou 3 % pour un engagement sur 9 ans prorogé une fois.

Base de calcul : prix de revient du logement (ou de 2 logements au maximum) retenu dans la limite de 5 500 € par m2 de surface habitable, dans une limite globale de 300 000 €. Exemple : pour un investissement de 280 000 € avec un engagement de location sur 6 ans, la réduction maximale est de 33 600 €, répartie sur chacune des 6 années à hauteur de 5 600 €.

Le locataire ne doit pas être un membre du foyer fiscal du propriétaire.

Autres observations

Les paramètres de la réduction d'impôt (taux de la réduction, plafonds de loyer et de ressources) appliqués aux investissements réalisés outre-mer sont spécifiques.

La réduction d'IR s'applique également en cas d'acquisition de parts de SCPI servant à financer des investissements similaires.

L'avantage fiscal est pris en compte pour la détermination du plafonnement global des réductions d'impôt et autres avantages fiscaux.

Dispositif Cosse (ou "Louer abordable") : pour favoriser l'accès au logement des plus démunis

Objet et nature
de l'avantage fiscal

Disposer d'un logement neuf ou ancien loué nu à titre de résidence principale du locataire dans le cadre d'une convention conclue avec l'Anah (Agence nationale de l'habitat). Le loyer plafonné doit favoriser l'accès au logement des ménages aux revenus modestes. Pour le propriétaire, l'investissement permet de bénéficier d'une déduction spécifique sur les revenus fonciers.

Conditions
et engagement

Les logements concernés doivent :

  • être situés en France (DOM inclus), dans les zones marquées par un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements locatifs : zones A bis, A, B1 et B2, ceux situés en zone C étant aussi éligibles à la condition d'être loués par l'intermédiaire d'un organisme social agréé (association ou agence immobilière agréée),
  • répondre à des exigences de performance énergétique (conventions conclues à compter du 1er juillet 2020).

L'avantage fiscal est subordonné à :

  • à un engagement de location de 6 ans ou 9 ans en cas de travaux subventionnés par l'Anah,
  • un plafonnement des loyers et un plafonnement des ressources du locataires qui diffèrent selon la zone géographique et le type de conventionnement (ils sont dans certains cas équivalents aux plafonds applicables dans le dispositif Pinel-Denormandie, sinon inférieurs pour les secteurs dits "social" et "très social").

Modalités d'application
de l'avantage fiscal

L'avantage fiscal revêt la forme d'une déduction spécifique, dont le taux varie selon la localisation du logement et le type de conventionnement (15%, 30 %, 50 % ou 70 %, voire 85 %).

L'avantage fiscal prend effet lors de la conclusion d'un nouveau bail ou du renouvellement du bail avec un locataire déjà occupant (pas en cours de bail).

La déduction spécifique tient tant que le même locataire reste en place et que les autres conditions sont réunies.

Le locataire ne doit pas dépendre du foyer fiscal du propriétaire, ni être un ascendant ou un descendant du contribuable.

Autres observations

Dispositif incompatible avec le régime du micro-foncier.

L'avantage fiscal ne peut pas se cumuler avec tout autre régime fiscal en faveur de l'investissement locatif. Aucune exclusion n'est cependant prévue avec la réduction d'impôt accordée au titre des opérations Malraux (voir ci-après).

L'avantage fiscal n'est pas pris en compte pour la détermination du plafonnement global des réductions d'impôt et autres avantages fiscaux.

Opérations Malraux : pour participer à la préservation du patrimoine architectural d'un quartier

Objet et nature de l'avantage fiscal

Investissement dans une opération de restauration d'un immeuble situé dans un quartier urbain protégé sur le plan architectural en vue de sa mise en location. L'investissement ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu.

Conditions
et engagement

L'immeuble doit être situé dans une zone spécifique délimitée de façon réglementaire :

  • soit dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (SPR),
  • soit dans un quartier ancien dégradé,
  • soit un quartier présentant une concentration élevée d'habitat ancien dégradé (dans ce cas précis, le régime de faveur s'applique aux dépenses supportées jusqu'au 31 décembre 2022).

Dans les 3 cas, la restauration doit être déclarée d'utilité publique, sauf si l'immeuble est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable (SPR) couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) approuvé ou par un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP) approuvé.

L'avantage fiscal est subordonné à un engagement de mise en location pendant 9 ans, location nue à usage de résidence principale du locataire.

Modalités d'application
de l'avantage fiscal

Taux de la réduction d'IR applicable pendant 4 années au maximum :

  • 30 % des dépenses, s'agissant d'un immeuble situé dans un site patrimonial remarquable (SPR) couvert par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) approuvé, ou dans un quartier ancien dégradé ou dans un quartier présentant une concentration élevée d'habitat ancien dégradé
  • 22 % dans les autres cas.

Dans les 2 cas, les dépenses sont prises dans un plafond pluriannuel de 400 000 €.

Ouvrent droit à réduction d'impôt :

  • les travaux imposés ou autorisés par l'autorité publique (les aides ou subventions devant être déduites),
  • les charges foncières habituelles (dépenses de réparation et d'entretien, primes d'assurances, dépenses d'amélioration, frais de gestion, etc.),
  • les frais d'adhésion à une association foncière urbaine de restauration.

Le locataire ne doit pas dépendre du foyer fiscal du propriétaire, ni être un ascendant ou un descendant du contribuable.

La réduction d'impôt ne peut pas s'appliquer à des travaux de restauration partielle.

Autres observations

Pas de double avantage : les dépenses ayant servi de base au calcul de la réduction d'impôt ne peuvent pas être déduites pour la détermination des revenus fonciers.

La réduction d'IR s'applique également en cas d'acquisition de parts de SCPI servant à financer des investissements similaires.

L'avantage fiscal n'est pas pris en compte pour la détermination du plafonnement global des réductions d'impôt et autres avantages fiscaux.

Réduction "Censi-Bouvard" : pour investir dans les résidences avec services
 pour personnes âgées ou étudiants

Objet et nature
de l'avantage fiscal

Acquisition d'ici au 31 décembre 2021 d'un logement neuf ou ancien, sous condition de réhabilitation ou de rénovation, situé dans une résidence ou un établissement d'accueil pour personnes âgées ou handicapées ou dans une résidence avec services pour étudiants. L'investissement ouvre droit à une réduction d'impôt sur le revenu.

Conditions
et engagement

L'avantage fiscal est subordonné à un engagement de location (location meublées non professionnelle) pour une durée de 9 ans.

S'agissant d'un logement ancien, celui-ci doit être achevé depuis au moins 15 ans.

Modalités d'application
de l'avantage fiscal

Taux de la réduction d'IR : 11 %.

Le montant de l'investissement (acquisition et/ou travaux le cas échéant) est retenu dans une limite globale de 300 000 €.

La réduction est répartie sur les 9 ans de l'engagement de location, à raison de 1/9 de son montant chaque année.

Autres observations

L'avantage fiscal est pris en compte pour la détermination du plafonnement global des réductions d'impôt et autres avantages fiscaux.

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