Quelles sanctions pour qui se soustrait à ses obligations familiales ?
Le droit de la famille repose sur toute une série d’obligations et de devoirs qui lient, d'une part, les parents, les grands-parents et les enfants, et, d'autre part, les conjoints entre eux. Les obligations peuvent être strictement financières ou reposer simplement sur des règles de protection ou de secours. Sur le plan financier, on pense en premier lieu aux pensions alimentaires qui sont souvent l’objet de tensions entre les parents séparés. Les récompenses et les créances entre époux dues lors d'un divorce à la suite de la liquidation de la communauté et du partage des biens sont également concernées. Même s'ils moins fréquemment présentés aux juges, les litiges relatifs à l'obligation de secours envers un ascendant révèlent aussi nombre de situations douloureuses.
Là où le Code civil pose des principes pour régir ces obligations familiales, règles qu'il est possible de défendre devant un juge, le Code pénal permet de sanctionner celui qui, intentionnellement, s'y soustrait ou tente de s'y soustraire alors qu'elles ont été confirmées par une décision de justice, une ordonnance, une convention judiciairement homologuée ou encore un procès-verbal de conciliation. Engager des poursuites à l’encontre d’un parent ou d’un conjoint récalcitrant à honorer ses obligations familiales est long et coûteux. Pour autant, le droit pénal français dispose en la matière de tout un arsenal de sanctions spécifiques.
L'abandon de famille
L'abandon de famille est le fait de ne pas exécuter intégralement, durant plus de 2 mois, une décision judiciaire ou une convention judiciairement homologuée (un divorce, par exemple) imposant de verser au profit d'un enfant mineur, d'un descendant, d'un ascendant ou du conjoint une pension, une contribution, des subsides ou des prestations de toute nature dues en raison de l'une des obligations familiales prévues par le Code civil. Il s'agit de l'infraction la plus fréquente en droit pénal de la famille.
Pour que les poursuites aient lieu, plusieurs éléments doivent être attestés :
- l'existence d'une décision de justice imposant la créance,
- le fait qu'elle ait bien été portée à la connaissance du débiteur,
- la confirmation du non-paiement pendant plus de deux mois,
- et le caractère intentionnel du non-paiement.
La peine encourue est au maximum de 2 ans d'emprisonnement et 15 000 € d'amende.
Le juge peut prononcer des peines complémentaires communes à toutes les atteintes aux mineurs et à la famille comme, par exemple, l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, la suspension ou l'annulation du permis de conduire ou encore l'obligation d'accomplir un stage de responsabilité parentale.
Précisons que l'abandon de famille se prescrit par 3 ans à compter du constat de chaque carence du débiteur.
Bon à savoir |
Le débiteur d'une obligation familiale qui ne notifie pas son changement de domicile au créancier dans le mois suivant son déménagement commet un délit. Il s'agit d'une infraction complémentaire à l'abandon de famille. L'auteur du délit peut être puni au maximum de 6 mois d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende. Les peines complémentaires évoquées précédemment peuvent être aussi prononcées. |
L'organisation frauduleuse de son insolvabilité
Il s'agit d'une infraction générale qui vaut quelle que soit la nature de la dette à laquelle son auteur essaie d'échapper. Les dettes alimentaires sont néanmoins concernées au premier chef, la préparation de l'insolvabilité ayant souvent pour but d'échapper à une condamnation pour abandon de famille. L'infraction peut également être relevée au cours d'une procédure de divorce.
A noter |
L'insolvabilité organisée pour échapper à l'aide matérielle prévue dans un Pacs enregistré par un greffier ne donne pas lieu à sanction pénale. |
Se rend ainsi coupable d'organisation frauduleuse de son insolvabilité le débiteur qui organise ou aggrave son insolvabilité, même avant la décision judiciaire constatant sa dette :
- soit en augmentant le passif ou en diminuant l'actif de son patrimoine,
- soit en diminuant ou en dissimulant tout ou partie de ses revenus,
- soit en dissimulant certains de ses biens, en vue de se soustraire à l'exécution d'une condamnation de nature patrimoniale.
L'infraction nécessite bien évidemment d'apporter la preuve d'un ou plusieurs actes matériels d'appauvrissement.
Exemples |
Les actes suivants ont été jugés suffisants pour caractériser l'infraction :
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Les peines principales encourues sont un emprisonnement de 3 ans au maximum et une amende de 45 000 €. Le juge peut également prononcer, à titre de peine complémentaire, une confiscation ou encore l'affichage ou la diffusion de la condamnation.
Précisons qu'en présence du débiteur d'une pension devenu insolvable à la suite de diverses manœuvres, les poursuites peuvent être engagées sous la double qualification pénale d'organisation frauduleuse de l'insolvabilité et d'abandon de famille, la première ayant été commise afin de préparer la seconde. Dans pareille situation, le tribunal ne peut prononcer qu'une seule peine de même nature, dans la limite du maximum légal le plus élevé, soit les 3 ans d'emprisonnement et l'amende de 45 000 €.
Bon à savoir |
L'organisation de l'insolvabilité nécessite très souvent l'assistance d'une tierce personne qui achète ou reçoit le bien dont le débiteur veut fictivement se défaire ou encore sert de prête-nom pour percevoir ses revenus. En pratique, sont souvent concernés la concubine, des parents, des frères et sœurs ou des enfants du débiteur. Le tiers qui a sciemment aidé ou encouragé le débiteur à organiser son insolvabilité peut voir sa responsabilité engagée à un double titre :
Par ailleurs, la responsabilité de professionnels du droit qui ont conseillé le débiteur ou sont intervenus pour la réalisation de l'acte peut aussi être recherchée. |
Répression d'autres manquements en droit de la famille
Délit |
Sanctions |
Menaces et violences |
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Menace envers une personne |
Sanctions de droit commun : 6 mois, 3 ans ou 5 ans d'emprisonnement et amende de 7 500, 45 000 ou 75 000 € selon les circonstances. |
Menace envers le conjoint, le concubin ou le partenaire "pacsé" |
2, 5 ou 7 ans d'emprisonnement et amende de 30 000, 75 000 ou 100 000 € selon les circonstances. |
Harcèlement conjugal envers un conjoint (marié, "pacsé", concubin) |
3 ou 5 ans d'emprisonnement et 45 000 ou 75 000 € d'amende selon la gravité des faits. |
Violation de mesures de protection familiale |
2 ans d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. |
Violences, agressions sexuelles et viols |
5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende lorsque les violences sont commises sur un mineur de moins de 15 ans par un ascendant ou par toute personne ayant autorité. Le viol, qu'il soit commis envers le conjoint ou un enfant sur lequel le parent a autorité, est puni de 20 ans de réclusion criminelle. Les agressions sexuelles, autres que le viol, sont punies de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende, sanctions portées à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende lorsque l'agression vise un mineur de moins de 15 ans. |
Atteinte à l'autorité parentale |
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Non-représentation de l'enfant (refus de présenter un enfant mineur à la personne en droit de le réclamer. Par exemple, lors d'un droit de visite convenu dans un jugement de divorce) |
1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende. 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque l'enfant mineur est retenu au-delà de 5 jours dans un endroit inconnu ou si l'enfant est retenu indûment hors du territoire national. Peines complémentaires possibles évoquées dans le paragraphe sur l'abandon de famille. |
Défaut de notification de changement de domicile |
6 mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende + éventuelles peines complémentaires évoquées précédemment. |
Soustraction d'un enfant mineur |
Pour tout ascendant fautif : 1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende ; 3 ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende lorsque l'enfant mineur est retenu au-delà de 5 jours dans un endroit inconnu ou si l'enfant est retenu indûment hors du territoire national. Pour toute autre personne : 5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende. |
Non-respect des obligations parentales |
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Délaissement d'un enfant mineur (abandon d'un enfant de moins de 16 ans en un lieu quelconque, dans des circonstances ne permettant pas d'assurer sa santé et sa sécurité) |
7 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende. 20 ans de réclusion si l'abandon a entraîné une mutilation ou une infirmité, 30 ans en cas de décès. Peines complémentaires évoquées précédemment. |
Privation d'aliments et de soins envers un mineur de moins de 16 ans |
7 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende. 30 ans de réclusion si l'enfant est décédé. Peines complémentaires évoquées précédemment. |
Soustraction aux obligations légales |
2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende. Peines complémentaires évoquées précédemment. |
Non-respect des règles relatives au mariage et à la filiation |
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Bigamie |
1 an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende. |
Incitation à l'abandon ou fraude à l'adoption |
6 mois d'emprisonnement et 7 500 € d'amende pour incitation à l'abandon. 1 an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende pour toute entremise. 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende en cas d'accord avec une mère porteuse qui œuvre à titre habituel et lucratif. |
Atteintes à l'état civil d'un enfant |
3 ans d'emprisonnement et 45 000 € + peines complémentaires évoquées précédemment. |
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