Résider hors de France : quid de l'impôt sur le revenu ?

Quitter la France avec sa famille pour aller vivre et travailler à l'étranger entraîne généralement, sur le plan fiscal, un changement de statut et des modifications du mode d'imposition d'éventuels revenus de source française.

Déterminer le lieu de résidence fiscale

Le départ à l'étranger n'entraîne pas forcément un transfert du domicile fiscal. En cas de litige avec l'administration, la question est examinée au cas par cas sur la base des critères énoncés par la loi. Les règles valent autant pour les Français que pour les étrangers. La nationalité est donc sans incidence sur le champ d'application de l'impôt.

Critères retenus pour déterminer la résidence fiscale

Sur le plan fiscal, la France s'entend du territoire métropolitain, Corse comprise, et des départements d'outre-mer. En revanche, les territoires d'outre-mer sont, sauf pour les fonctionnaires (voir ci-contre), assimilés à l'étranger.

A ce titre, le contribuable est considéré comme résident fiscal en France dès lors que l'une des conditions suivantes est remplie :

  • son foyer est situé en France, à savoir son lieu de résidence habituelle, ainsi que celui de sa famille, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs pour des raisons professionnelles ou des circonstances exceptionnelles,
  • il réside principalement en France, à savoir qu'il y séjourne plus de 183 jours au cours d'une même année, sans s'attacher au lieu de séjour de sa famille,
  • il exerce son activité professionnelle principale en France,
  • il a en France le centre de ses intérêts économiques.

Il suffit qu'un seul de ces critères soit rempli pour que le contribuable conserve en France sa résidence sur le plan fiscal. Ainsi, le départ à l'étranger n'entraîne-t-il pas d'office le transfert du domicile fiscal et l'imposition comme non-résident si le foyer (conjoint et enfants) reste en France. Tel est le cas, par exemple, du salarié détaché à l'étranger.

Situation du salarié détaché à l'étranger

Le salarié envoyé par son employeur à l'étranger pour une période plus ou moins longue conserve son domicile fiscal en France. La rémunération perçue pour l'activité exercée à l'étranger est totalement ou partiellement exonérée d'impôt.

La rémunération de l'activité exercée à l'étranger est totalement exonérée de l'impôt français dans les cas suivants :

  •  lorsqu'elle est soumise dans l'État où s'exerce l'activité à un impôt sur le revenu au moins égal au deux tiers de celui qu'elle supporterait en France,
  •  lorsqu'elle est versée en contrepartie de l'exercice à l'étranger d'une activité expressément prévue par la loi (chantier de construction, prospection et extraction de ressources naturelles, marins) pendant une durée supérieure à 183 jours au cours d'une période de 12 mois consécutifs,
  • lorsqu'elle se rapporte à une activité de prospection commerciale exercée à l'étranger pendant plus de 120 jours au cours d'une période de 12 mois consécutifs.

Lorsque la rémunération ne remplit pas les conditions d'exonération, celle-ci est imposable en France à concurrence de celle que le bénéficiaire aurait eue en France pour la même activité, les suppléments de rémunération liés au détachement à l'étranger dûment justifiés n'étant pas imposables sous certaines conditions.

Quel que soit le régime applicable, les salariés détachés à l'étranger ayant conservé leur domicile fiscal en France sont assujettis à la CSG et à la CRDS sur l'ensemble des revenus perçus à l'étranger.

Agents de l'État en service à l'étranger

Le fonctionnaire qui exerce ses fonctions ou est chargé de mission dans un pays étranger est considéré comme résident fiscal français dès lors qu'il n'est pas soumis dans le pays d'affectation à un impôt personnel sur l'ensemble de ses revenus. Le mode d'imposition des revenus est alors similaire à celui du salarié détaché à l'étranger.

L'agent exerçant ses fonctions ou chargé de mission dans une collectivité d'outre-mer (à l'exception notable de la Polynésie française) est considéré de fait comme résident fiscal français.

Mode d'imposition en France des différents revenus de source française

Principes généraux de l'établissement de l'impôt

Les personnes dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles, en France, de l'impôt sur le revenu pour leurs seuls revenus de source française.

Le revenu net imposable soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu est déterminé selon les mêmes règles appliquées aux personnes domiciliées en France. Les déficits catégoriels (déficits imputables sur des revenus de même source) sont déductibles. En revanche, il n'est pas possible :

  • d'opérer de déduction sur le revenu global, sauf exceptions (les personnes dites "non-résidents Schumacker" sont effectivement autorisées à faire cette déduction sous condition cumulative de lieu de résidence, de non bénéfice d'avantages fiscaux importants dans le pays de résidence et d'importance des revenus de source française par rapport au revenu mondial),
  • de bénéficier de l'abattement en faveur des personnes âgées ou invalides de situation modeste,
  • de bénéficier des diverses réductions et crédits d'impôt prévues par la loi, hormis quelques exceptions.

En l'absence de revenus de source française...

Lorsque le non-résident ne dispose pas de revenus de source française, il n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu, du moins s'il ne dispose pas d'une ou plusieurs habitations en France. Dans ce cas, il subit une taxation forfaitaire dont la portée, en pratique, est réduite compte tenu des cas d'exonération.

L'impôt est calculé suivant les mêmes règles que pour les résidents français. Cependant, la loi pose le principe d'un taux minimum d’imposition. Ce taux est fixé à 20 % du revenu net imposable (14,4 % pour les revenus ayant leur source dans les DOM). Il trouve donc à s'appliquer dans les cas où le taux moyen d'imposition qui résulte de l'application du barème de droit commun et du système du quotient familial aux revenus de source française est inférieur à 20 % (ou 14,4 %).

Lorsque l'imposition calculée au taux minimum de 20 % (ou 14,4 %) n'excède pas 305 €, elle n'est pas mise en recouvrement.

Monaco : pas de règle d'imposition particulière

Le contribuable qui transfère aujourd'hui son domicile à Monaco est imposé dans les mêmes conditions que tout autre résident français. Il dépend du centre des impôts de Menton.

Sont exclus de la base soumise au barème progressif, les revenus ayant fait l'objet d'une retenue à la source ou d'un prélèvement libératoire obligatoire pour les non-résidents : voir ci-après les modalités d'imposition des différentes catégories de revenus. Le contribuable peut demander le remboursement de l'excédent de retenue à la source opérée lorsque la totalité de la retenue dépasse le montant de l'impôt qui résulte des calculs vus précédemment.

Incidence des conventions fiscales

Le principe français d'imposition des non-résidents fiscaux s'applique sous réserve de dispositions contraires contenues dans les conventions fiscales passées entre la France et les autres pays. Même si une de leur mission première est de limiter les risques de double imposition, les conventions fiscales bilatérales peuvent avoir pour effet d'apporter, dans un certain nombre de cas, des dérogations aux règles françaises. Ces dispositions conventionnelles établies par accord ou traité ratifié prévalent sur les lois internes.

Ainsi, par exemple, les critères français de résidence fiscale évoqués au début du dossier peuvent être totalement écartés par une convention. De même, une convention peut prescrire à la France de ne pas imposer une catégorie de revenus de source française dont bénéficie un non-résident, le revenu étant alors imposé dans l'État de résidence.

Il existe une centaine de conventions fiscales bilatérales en matière de fiscalité.

Traitements et salaires, pensions de toute nature

Les traitements et les salaires de source française, ainsi que les pensions (retraite, pension alimentaire, etc.), font l'objet d'une retenue à la source, acquittée par l'employeur (ou l'organisme débiteur de la pension) et calculée selon un barème à 3 tranches (tableau ci-dessous).

Le montant de la retenue doit être versé au Trésor le 15 du mois suivant celui du versement du salaire (ou de la pension) accompagné d'une déclaration 2494.

Tarif de la retenue à la source applicable en 2014

 

Limites des tranches selon la période à laquelle se rapportent les paiements

Année

Trimestre

Mois

Semaine

Jour ou fraction de jour

0 %, en deçà de

14 359 €

3 590 €

1 197 €

276 €

46 €

12 %, de

14 359 €

3 590 €

1 197 €

276 €

46 €

à

41 658 €

10 415 €

3 472 €

801 €

134 €

20 %, au-delà de

41 658 €

10 415 €

3 472 €

801 €

134 €

La retenue à la source s'applique sur le montant net imposable, soit après la déduction pour frais professionnels de 10 %. L'option pour la déduction des frais réels n'est pas autorisée.

La fraction ayant supporté la retenue de 12 % ne subit pas d'imposition supplémentaire, celle-ci étant libératoire de l'impôt sur le revenu. Seule la fraction des revenus ayant subi la retenue de 20 % est imposée au barème progressif avec les autres revenus de source française. La retenue de 20 % est ensuite, bien évidemment, imputée de l'impôt déterminé.

Malgré ces dispositions, l'intégralité des salaires et le détail des retenues à la source effectuées par chaque organisme payeur doivent être reportés dans une annexe de la déclaration des revenus. Cependant, le contribuable peut être dispensé de cette formalité quelque peu contraignante si les deux conditions suivantes sont simultanément remplies :

  • le montant des salaires n'excède pas le seuil de la 3e tranche,
  • et le contribuable perçoit des salaires (ou une pension) d'un seul organisme. A défaut, sa déclaration doit effectivement faire l'objet d'une régularisation afin d'éviter qu'en cas de pluralité de débiteurs une même personne ne bénéficie plusieurs fois des taux les plus bas de la retenue à la source. Tel est le cas des personnes percevant des salaires versés concomitamment, des pensions provenant de plusieurs caisses ou des revenus de nature différente.

Revenus non salariaux ou assimilés

Pour le cas général, une retenue à la source de 33 1/3 % est supportée par les revenus bruts encaissés (15 % pour les revenus générés par une prestation artistique ou sportive, ou 75 %, sauf exception, lorsque les personnes sont domiciliées dans un État considéré comme non coopératif sur le plan fiscal - ETCN).

Le montant de la retenue doit être versé au service des impôts le 15 du mois suivant celui de l'encaissement des sommes perçues accompagnée d'une déclaration 2494.

Par la suite, la retenue à la source est admise en déduction de l'impôt sur le revenu déterminé par application du barème progressif.

Revenus de capitaux mobiliers et plus-values de valeurs mobilières

Les dividendes sont soumis à une retenue à la source de 21 % en cas de domiciliation dans un pays de l'Union européenne, en Islande, Norvège ou au Lichtenstein (30 % ailleurs, voire 75 % dans un ETCN). Cette retenue à la source est libératoire de l'impôt sur le revenu et il n'est pas nécessaire de reporter ces revenus sur la déclaration de revenus.

Les revenus d'obligations (et autres placements à revenu fixe) sont normalement soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu, mais ils supportent un prélèvement de 24 % en guise d'acompte. Il est imputable sur l'impôt dû. Dès lors qu'ils n'excèdent pas 2 000 €, ces revenus peuvent, sur option du contribuable, être taxés au taux proportionnel de 24 %.

Sont soumis à titre obligatoire à un prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu :

  • les produits de placement à revenu fixe payés dans un ETCN, au taux de 75 %,
  • les revenus des produits d'épargne solidaire, au taux de 5 %,
  • les bons et contrats de capitalisation et d'assurance-vie, au taux de 7,5 %, 15 % ou 35 % selon la durée du contrat, voire 75 % si le contribuable réside dans un ETCN,
  • et les produits des bons anonymes, au taux de 60 %.

Enfin, les plus-values générées lors de la cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux sont expressément exonérées d'impôt. Seule la cession de droits sociaux, dès lors que la participation dans la société est supérieure à 25 % au cours des cinq dernières années, supporte un prélèvement forfaitaire libératoire de 45 % (75 % lorsque le contribuable réside dans un ETCN et ce, quel que soit le pourcentage de droits détenus).

Revenus fonciers

Le revenu net foncier (après déduction des charges) procuré par un ou plusieurs biens immobiliers situés en France est soumis au barème de l'impôt sur le revenu selon les principes généraux évoqués en introduction.

Plus-values immobilières

En cas de cession d'un immeuble détenu en France, la plus-value réalisée supporte un impôt calculé :

  • au taux de 19 % pour les contribuables résidant dans un État de l'UE, en Islande, Norvège, au Lichtenstein et en Suisse
  • au taux de 33 1/3 % pour les résidents d'autres pays (75 % si le pays est un ETCN).

Le prélèvement est acquitté au moment de l'accomplissement des formalités d'enregistrement ou, à défaut, dans le mois qui suit la cession. Le cédant est tenu de désigner un représentant en France qui s'engage à accomplir les formalités et à acquitter le prélèvement pour le compte du non-résident. Ce représentant peut être :

  • l'acheteur, s'il réside en France,
  • une banque,
  • une tierce personne agréée par l'administration,
  • ou encore un organisme ayant reçu une habilitation générale.

Compte tenu du caractère libératoire du prélèvement effectué lors de l'enregistrement de la vente, le montant de la plus-value n'a pas besoin de figurer dans la déclaration des revenus.

Sont exonérées de ce prélèvement sur les plus-values immobilières :

  • les personnes titulaires d'une pension de vieillesse ou d'une carte d'invalidité, non imposables à l'impôt de solidarité sur la fortune, disposant de faibles ressources et résidant exclusivement dans un État de l'UE, en Islande, en Norvège ou au Lichtenstein,
  • les personnes qui cèdent un logement situé en France :
     
    • dans les 5 ans suivant leur changement de domicile hors de France,
    • dont elles ont la libre disposition au moins depuis le 1er janvier de l'année précédant celle de la cession,
    • à la condition d'avoir été fiscalement domiciliées en France de manière continue pendant au moins 2 ans à un moment quelconque avant la cession,
    • l'exonération étant limitée, dans ce cas, à la fraction de la plus-value nette imposable qui n'excède pas 150 000 €.

Dans les deux cas, l'administration admet aussi d'appliquer l'exonération aux résidents d'un État tiers. Ces derniers peuvent, en effet, invoquer une clause de non-discrimination.

Exemple

En 2013, un contribuable domicilié hors de France perçoit de source française :

  • un salaire de 4 200 € par mois,
  • et un revenu foncier annuel de 16 000 €.

1/ Retenues à la source opérées chaque mois en 2013 sur le salaire perçu :

  • base imposable : 4 200 € - 10 % = 3 780 €,
  • application du barème : (3 444 - 1 187 × 12 %) + (3 780 - 3 444 × 20 %)
     = 271 + 67 = 338 €.

2/ Déclaration des revenus en 2014 :

  • salaires nets imposables : (3 780 - 3 444) x 12 = 4 032 €,
  • revenu foncier net imposable : 16 000 €,
  • revenu net imposable soumis au barème de l'IR : 20 032 €,
  • montant de l'IR (la retenue opérée sur les salaires est déduite) :
     1 455 € - (67 x 12) = 651 €,
  • le montant de l'IR représente un peu plus de 3 % du revenu imposable,
  • l'administration applique donc le taux minimum de 20 % :
     (20 032 € × 20 %) - (67 × 12) = 3 202 €.

Exception au principe du taux minimum d'imposition de 20 %

Le taux minimum d'imposition de 20 % n'est pas applicable lorsque le contribuable peut justifier que le taux moyen qui résulterait de l'imposition en France de ses revenus de source française et étrangère est inférieur à ce taux minimum.

Pour bénéficier de cette disposition, le contribuable doit déposer sa déclaration de revenus dans les délais légaux, accompagnée de toutes les justifications nécessaires, notamment la copie conforme de l'avis d'imposition émis par l'administration fiscale du pays de résidence et du double de la déclaration de revenus souscrite dans cet État. Il doit également fournir une attestation de l'administration fiscale étrangère certifiant que ces éléments ont été pris en compte aux fins d'imposition.

Exemple

En 2013, un contribuable domicilié hors de France perçoit :

  • un revenu foncier de source française net imposable de 11 000 €,
  • et des salaires de source étrangère pour 42 000 €.

Calcul de l'impôt en 2014 :

  • total imposable soumis au barème de l'IR : 11 000 + (42 000 - 10 %) = 48 800 €,
  • montant de l'IR théorique : 9 030 €,
  • taux moyen d'imposition : (9 030 × 100) / 48 800 = 18,5 %,
  • le taux étant inférieur au taux minimum de 20 %, l'impôt effectivement dû est calculé sur cette base : 11 000 × 18,5 % = 2 035 € (au lieu de 2 200 € par application du taux minimum de 20 %).

Devenir non-résident fiscal : les formalités

Il n'est plus nécessaire, comme auparavant, d'obtenir un quitus fiscal (bordereau de situation fiscale) au moment de son départ de France. Il est néanmoins recommandé, dès lors qu'on reçoit encore des revenus de source française, d'informer le plus tôt possible le centre des finances publiques de sa nouvelle adresse à l'étranger sans attendre le dépôt de la prochaine déclaration des revenus.

Au titre de l'année du départ, 2 déclarations devront normalement être remplies (voir encadré ci-après sur l'"exit tax") :

  • un imprimé 2042 pour les revenus perçus entre le 1er janvier et la date du départ,
  • et un imprimé 2042-NR pour les seuls revenus de source française imposables en France perçus de la date du départ au 31 décembre de l'année du départ.

Exception faite de ceux basés à Monaco, les non-résidents fiscaux dépendent d'un service des impôts aux particuliers dédié : TSA 10010 - 10, rue du Centre, 93465 Noisy-le-Grand Cedex.

Détention de valeurs mobilières et de droits sociaux : "exit tax"

La transfert du domicile fiscal hors de France entraîne toutefois la taxation à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux des plus-values latentes et des plus-values en report d'imposition constatées sur des droits sociaux et autres valeurs mobilières (titres d'OPCVM inclus) lorsque :

  • ceux-ci représentent au moins 50 % des bénéfices sociaux d'une société,
  • ou que leur valeur globale excède 800 000 €.

Cependant, le contribuable peut bénéficier d'un sursis de paiement, lorsqu'il s'installe dans un pays de l'Espace économique européen (hors Lichtenstein), ou d'un dégrèvement dans certaines situations.

La déclaration des plus-values latentes est opérée par le biais du formulaire 2074-ET l'année suivant le transfert.

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