Retraite : quelles sont les conditions pour bénéficier d’un départ anticipé ?
La réforme des retraites adoptée en mars dernier par le Parlement recule à nouveau l’âge minimal de départ à la retraite pour la totalité des assurés dès le 1er septembre prochain. À raison de 3 mois par génération, il atteindra 64 ans en 2030 pour ceux nés à partir de 1968. Il est toutefois possible de partir à la retraite avant cet âge pour différentes raisons et sous réserve de réunir un certain nombre de conditions.
L'âge minimal de départ à la retraite (ou "âge légal") est porté progressivement, à raison de 3 mois par génération, de 62 ans à 64 ans à compter du 1er septembre prochain. Les assurés nés entre le 1er septembre et le 31 décembre 1961 devront ainsi différer leur départ à la retraite de 3 mois. Ceux nés à partir de 1968 devront se maintenir en activité deux années supplémentaires (voir tableau ci-dessous). Le recul de l'âge de la retraite constitue la disposition phare de la nouvelle réforme des retraites adoptée au début du printemps au terme de tumultueux débats parlementaires et portée par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023 du 14 avril 2023.
Parallèlement, le texte de loi prévoit une accélération du calendrier relatif à l’augmentation progressive de la durée d'assurance requise pour obtenir une retraite dite "à taux plein". L’objectif de 172 trimestres, soit 43 annuités, reste inchangé. Il sera toutefois atteint dès 2027, au lieu de 2035, à raison d’un trimestre supplémentaire par an à compter du 1er septembre prochain, au lieu d’un trimestre tous les trois ans jusqu’à présent.
L’âge permettant d’acquérir automatiquement le taux plein est, lui, maintenu à 67 ans (âge applicable depuis la génération 1955).
Année de naissance |
Âge minimal |
Durée d'assurance requise pour le taux plein |
Âge du taux plein automatique |
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01.01 - 31.08.1961 |
62 ans |
168 trimestres |
67 ans |
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01.09 - 31.12.1961 |
62 ans et 3 mois |
169 trimestres |
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1962 |
62 ans et 6 mois |
169 trimestres |
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1963 |
62 ans et 9 mois |
170 trimestres |
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1964 |
63 ans |
171 trimestres |
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1965 |
63 ans et 3 mois |
172 trimestres |
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1966 |
63 ans et 6 mois |
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1967 |
63 ans et 9 mois |
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À partir de 1968 |
64 ans |
Le report de l'âge légal de départ à la retraite concerne l'ensemble des régimes de base dont les paramètres sont définis par la loi, à savoir ceux couvrant les salariés du secteur privé, les fonctionnaires sédentaires, les travailleurs indépendants, les salariés et non-salariés agricoles. Pour les fonctionnaires actifs (policiers, militaires, etc.), l'âge minimal de départ à la retraite, fixé plus tôt que celui du cadre général, est aussi reculé progressivement de deux ans.
Les régimes de retraite complémentaire sont également concernés par le relèvement de l'âge de départ à la retraite, les textes les régissant renvoyant le plus souvent aux dispositions du Code de la sécurité sociale. Ces régimes ne relèvent toutefois pas de la loi. Il appartiendra donc aux administrateurs des caisses concernées de prendre, le cas échéant, les mesures d'adaptation nécessaires. Tel est notamment le cas de certaines caisses de retraite complémentaire couvrant les professionnels libéraux.
Sous certaines conditions, les assurés peuvent partir à la retraite avant d'avoir atteint l'âge minimal normalement requis. Sans les avoir remis en cause, la réforme 2023 sur les retraites a néanmoins apporté des corrections techniques aux divers dispositifs existants qui s'appliqueront le 1er septembre prochain. Précisons que ces dispositifs sont ouverts aux assurés du régime général (salariés et indépendants), aux professionnels libéraux, aux avocats, aux salariés et non-salariés agricoles.
Retraite anticipée pour longue carrière
Mis en place en 2003, le dispositif "longue carrière" permet à l'assuré qui a débuté son activité professionnelle avant un âge donné de bénéficier d'un départ avant l'âge légal, à la condition de justifier d'un nombre de trimestres cotisés.
La réforme de 2023 a modifié le dispositif en ce qu'elle crée, à compter du 1er septembre 2023, quatre bornes d'âge – début d'activité avant 16 ans, 18 ans, 20 ans ou 21 ans – et impose uniformément pour tous les cas de figure une durée d'assurance cotisée égale à celle exigée pour une retraite à taux plein, soit, au terme de la réforme, 172 trimestres (ou 43 annuités). Précisons que le dispositif exigera toujours une durée d'activité minimale avant la borne d'âge. L'assuré devra ainsi totaliser 5 trimestres cotisés à la fin de l'année civile au cours de laquelle intervient son 16e, 18e, 20e ou 21e anniversaire (ou 4 trimestres si l'assuré est né au cours du quatrième trimestre).
Clause de sauvegarde |
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Les assurés nés entre le 1er septembre 1961 et le 31 décembre 1963 qui étaient éligibles au départ anticipé pour carrière longue avant le 1er septembre 2023, mais qui ne le sont plus après du fait du relèvement de la durée d’assurance requise, peuvent bénéficier des dispositions antérieures à la réforme. |
En pratique, selon l'année de naissance, les conditions requises pour un départ à la retraite anticipé pour longue carrière prenant effet à compter du 1er septembre 2023 sont les suivantes :
Année de naissance |
Âge de début d'activité |
Âge de départ anticipé |
Durée d'assurance requise |
01.09.1961 - 31.12.1961 |
Avant 16 ans |
58 ans |
169 trimestres ** |
1962 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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01.01.1963 - 31.08.1963 |
Avant 16 ans |
58 ans |
170 trimestres ** |
01.09.1963 - 31.12.1963 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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1964 |
Avant 16 ans |
58 ans |
171 trimestres |
1965 |
Avant 16 ans |
58 ans |
172 trimestres |
1966 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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1967 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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1968 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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1969 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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À partir de 1970 |
Avant 16 ans |
58 ans |
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* Pour la génération 1965, l'âge légal est effectivement fixé à 63 ans et 3 mois. Un départ anticipé à 63 ans pour avoir commencé à travailler avant 21 ans sera donc possible à partir de cette génération, toutes les autres conditions étant réunies. |
Les périodes d'assurance retenues sont celles ayant effectivement donné lieu à cotisation, ainsi que certaines périodes reconnues équivalentes. Peuvent ainsi être comptabilisés 2 trimestres au maximum au titre de la perception d'une pension d'invalidité, 4 trimestres indemnisés au titre des périodes de chômage ou de l'activité partielle et 4 trimestres au maximum indemnisés au titre de la maladie ou de l'incapacité temporaire des accidents du travail. Peuvent s'ajouter les trimestres indemnisés au titre de la maternité et de l'adoption (1 au minimum et en principe 2 au maximum), et, à compter du 1er septembre 2023, ceux acquis au titre de l'assurance vieillesse des parents au foyer ou de la nouvelle assurance des aidants.
Bon à savoir |
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Sont également pris en compte les trimestres de majoration de durée d'assurance accordés au titre du compte professionnel de prévention de la pénibilité (voir ci-après, le départ anticipé pour carrière pénible). |
À l'inverse, les majorations de durée d'assurance pour enfant ne sont pas prises en compte et, sauf pour quelques exceptions précises, le rachat de trimestres ne permet pas à l'assuré de bénéficier d'un départ anticipé.
De façon globale, le nombre de trimestres ayant donné lieu à cotisations ou réputés tels ne peut excéder 4 pour une même année civile.
Exemples |
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Retraite anticipée pour handicap
Un départ anticipé à la retraite peut être envisagé pour quatre raisons de santé. La première d'entre elles est le handicap. Ainsi, sous réserve de justifier d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 50 % et d'une durée d'assurance minimale, l'assuré peut partir à la retraite dès l'âge de 55 ans.
Bon à savoir |
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Est également éligible au dispositif l'assuré qui peut justifier d'un handicap de niveau comparable au taux d'incapacité permanente de 50 %. Un arrêté du 24 juillet 2015 (AFSS1518266A) liste les justificatifs pouvant être produits par l'assuré qui attestent du taux d'incapacité permanente. Peut également être retenue la qualité de travailleur handicapé, mais uniquement pour la période antérieure au 1er janvier 2016. |
Principal aménagement technique apporté par la loi du 14 avril, applicable à compter du 1er septembre 2023 : la durée d'assurance repose désormais uniquement sur le nombre de trimestres cotisés, là où jusqu'à présent était également retenu le nombre de trimestres validés. Par ailleurs, pour les assurés nés avant le 1er janvier 1973, la durée d'assurance est adaptée pour neutraliser les effets de l’accélération du “calendrier Touraine” (durée d’assurance requise pour le taux plein).
En pratique, selon l'année de naissance, les conditions d'âge et de durée d'assurance pour un départ anticipé à la retraite pour handicap prenant effet à compter du 1er septembre 2023 sont les suivantes :
Année de naissance |
Âge minimal de départ autorisé |
Durée d'assurance requise |
Durée d'assurance requise pour le "taux plein" |
01.09.1961 - 31.12.1962 |
55 ans |
108 trimestres |
169 trimestres |
1963 |
55 ans |
108 trimestres |
170 trimestres |
1964 |
55 ans |
109 trimestres |
171 trimestres |
1965 - 1966 |
55 ans |
109 trimestres |
172 trimestres |
1967 - 1968 - 1969 |
55 ans |
110 trimestres |
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1970 - 1971 - 1972 |
55 ans |
111 trimestres |
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À partir de 1973 |
55 ans |
112 trimestres |
Précisons que la durée d'assurance prise en compte et la période de handicap doivent être concomitantes. Autrement dit, un trimestre d'assurance est retenu dès lors qu'au cours de ce trimestre l'assuré justifie de la situation de handicap.
Il n'y a pas de liste des types de handicap ouvrant droit ou non à une retraite anticipée. Mais, dans les faits, le dispositif concerne très souvent des personnes dont le handicap remonte à la naissance ou à la jeunesse puisqu’il est nécessaire que l’assuré ait effectué une grande partie de sa carrière en situation de handicap.
La détermination du droit à la retraite anticipée pour un assuré handicapé avant l’âge légal s'effectue en deux étapes distinctes : tout d'abord, une étude préalable des conditions d’éligibilité permettant de vérifier que l'assuré remplit la condition d'assurance requise et justifie de son handicap ; cette phase d'étude étant suivie du dépôt proprement dit de la demande de retraite.
Bon à savoir |
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Les bénéficiaires de la retraite anticipée pour handicap bénéficient d'une majoration qui a pour effet de pallier les effets de la proratisation de la retraite des assurés ne réunissant pas la durée d'assurance requise pour ouvrir droit à une retraite à taux plein, voir tableau ci-dessus. |
Retraite anticipée pour pénibilité
Un départ anticipé à la retraite peut être accordé pour l'assuré qui justifie d'un certain taux d'incapacité permanente au titre soit d'une maladie professionnelle, soit d'un accident du travail ayant entraîné des lésions identiques à celles indemnisées au titre d'une maladie professionnelle. Dès lors, la pension est calculée à taux plein quelle que soit la durée d’assurance.
À compter du 1er septembres 2023, le départ anticipé reste possible dès 60 ans lorsque le taux d'incapacité est égal ou supérieur à 20 %. Lorsque le taux d'incapacité est compris entre 10 % et 19 %, le départ peut être avancé de 2 années avant l'âge légal, soit, par exemple, à 60 ans et 6 mois pour un assuré né en 1962, à 62 ans, au terme de la réforme, pour un assuré né à partir de 1968.
Le départ anticipé pour incapacité permanente n'est pas automatique, l'assuré doit compléter un formulaire spécifique de demande à remettre à la caisse en charge de la liquidation de ses droits 4 mois avant la date de départ envisagée. Lorsque le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, la lésion résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle doit être reconnue par un médecin-conseil. L'avis de ce dernier s'impose aux caisses en charge du calcul des pensions de retraite. Lorsque le taux d'incapacité permanente est compris entre 10 % et 19 % compris, l'incapacité doit être directement liée à un ou plusieurs des 6 facteurs de risques professionnels retenus dans le cadre du compte professionnel de prévention de la pénibilité – activités en milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif – durant une période d'au moins 17 ans (68 trimestres cotisés). Une commission pluridisciplinaire est chargée de valider les modes de preuve et de vérifier que ces deux conditions sont bien remplies. Pour 4 autres risques identifiés – postures pénibles, manutentions manuelles de charges, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques dangereux – l'assuré n'est pas tenu de remplir les conditions de durée d’exposition et de justification de lien direct, ni d’obtenir l’avis favorable de la commission pluridisciplinaire.
Bon à savoir |
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L'assuré peut, à partir de 55 ans, choisir d'utiliser les points inscrits sur son compte personnel de prévention de la pénibilité dont il est éventuellement titulaire pour obtenir un ou plusieurs trimestres de majoration de durée d'assurance, à raison de 10 points pour un trimestre. Les trimestres ainsi obtenus s'ajoutent au nombre total de trimestres d'assurance de l'assuré, mais ils ne sont pas pris en compte pour déterminer la durée de référence permettant d'obtenir une pension à taux plein, ni d'ailleurs pour permettre un départ anticipé pour longue carrière. En revanche, si l'assuré ne réunit pas les conditions d'un départ à taux plein, la majoration peut lui permettre de minorer la décote dont le taux de calcul de sa pension va faire l'objet, voire de l'annuler. Enfin, apport non négligeable du dispositif et décorrélé du calcul de la pension proprement dit : le nombre de trimestres supplémentaires acquis par le biais du compte "pénibilité" permet d'abaisser l'âge légal de départ à la retraite, dans la limite de 8 trimestres (2 ans). Par exemple, un assuré bénéfice de 5 trimestres de majoration de durée d'assurance après conversion de points inscrits sur son compte de prévention de la pénibilité. Né en 1962, l'âge légal d'obtention de la retraite est fixé pour lui à 62 ans et 6 mois. La majoration d'assurance lui permet d'avancer son départ à la retraite de 5 trimestres, soit à 61 ans et 3 mois. |
Retraite anticipée pour inaptitude
À compter du 1er septembre 2023, l'inaptitude au travail devient pleinement un cas de départ anticipé à la retraite. Les assurés reconnus comme tels pourront continuer de partir à la retraite dès 62 ans – la loi du 14 avril a figé cet âge de départ anticipé –, leurs droits étant calculés à taux plein.
L'assuré peut être reconnu inapte au travail dès lors qu'il n'est pas en mesure de poursuivre l'exercice de son emploi sans nuire gravement à sa santé et qu'il se trouve définitivement atteint d'une incapacité de travail médicalement constatée sur la base de ses aptitudes physiques et mentales. Le taux d'incapacité doit être au moins de 50 %. Certaines catégories d'assurés sont reconnues inaptes sans pour autant soumises au contrôle médical, par exemple les personnes reconnues invalides avant l'âge de départ à la retraite ou encore les titulaires de l'allocation aux adultes handicapés.
Départ anticipé autorisé pour les travailleurs de l'amiante
Les bénéficiaires de l'allocation des travailleurs de l'amiante (ATA) peuvent partir à la retraite dès 60 ans s'ils réunissent les conditions d'un départ à taux plein (à défaut, la pension subit une décote) ou au plus tard à 65 ans quelle que soit la durée d'assurance.
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