Succession internationale : quelle loi applicable ?
Par principe, application de la loi du lieu de résidence habituel
Dès lors qu'aucune disposition n'a été expressément prise de son vivant, la succession d'un citoyen européen est réglée par la loi de l'Etat membre dans lequel il a sa résidence habituelle au moment du décès tant pour les biens meubles que pour les immeubles. Les juridictions de cet Etat sont alors compétentes pour statuer sur l'ensemble de la succession.
Le caractère universel du règlement du 4 juillet 2012 a été clairement affirmé. Par conséquent, la loi applicable peut être celle d'un des 25 Etats de l’Union européenne couverts par le règlement ou celle d'un Etat tiers, à savoir le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark, où le règlement n'est pas applicable, ou tout autre Etat non membre de l'UE.
Absence de définition précise de la résidence habituelle |
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La notion de résidence habituelle n'est pas définie par le règlement européen. L'un des préambules du texte (considérant n° 23) précise que l'autorité chargée de la succession "devrait procéder à une évaluation d'ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de faits pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l'Etat concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l'Etat concerné". |
Cependant, dans des cas exceptionnels, il peut être dérogé à la règle de résidence habituelle du défunt, notamment lorsqu'il apparaît que le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un autre Etat que celui de sa résidence habituelle. Cela serait notamment le cas si le défunt s'était établi dans l'Etat de la résidence habituelle relativement peu de temps avant son décès.
Une autre loi peut être désignée
Le nouveau cadre juridique posé par la réglementation européenne laisse subsister une faculté de choix pour le citoyen qui peut, de son vivant, désigner comme loi applicable à sa succession la loi de sa nationalité. Il peut s'agir de l'Etat dont il possède la nationalité au moment où il fait ce choix ou au moment du décès. Si la personne possède plusieurs nationalités, son choix peut se porter indifféremment sur l'une de ces lois.
La désignation doit être expressément formulée, le plus souvent par le biais d'un testament.
A quoi sert le certificat successoral européen ? |
Prévu également par le règlement européen et mis en place en France de façon effective depuis le 5 novembre 2015, le certificat successoral européen est un "super acte de notoriété" qui permet aux héritiers ou administrateurs d'une succession transfrontalière de prouver facilement leur statut et/ou leurs droits dans un autre Etat membre. Sur la base d'un formulaire type, le certificat est délivré dans l'Etat membre dont l'une des juridictions est compétente pour régler la succession. Il est émis par une autorité judiciaire ou un professionnel du droit habilité à régler les successions, tel le notaire en France. L'établissement d'un certificat successoral européen n’est pas obligatoire. |
Quelle limite à l'application d'une loi désignée ?
La réglementation européenne prévoit expressément que la loi désignée pour régler la succession pourra être écartée si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public du juge saisi (article 35).
En France, la question actuellement très débattue en l'absence de jurisprudence est de savoir si une loi ne prévoyant aucune réserve héréditaire ou une réserve héréditaire moindre que celle prévue par la loi française pourrait être écartée par un juge français. Ainsi, un citoyen français pourrait-il être tenté d'acquérir la nationalité d'un pays qui ne connaît pas le mécanisme de la réserve héréditaire, pour ensuite rédiger un testament par lequel il choisirait la loi du pays dont il vient d'acquérir la nationalité afin, par exemple, d'écarter un ou ses enfants de sa succession.
Pour certains juristes, le risque est écarté puisque, selon l'un des préambules du règlement (considérant n° 38), le choix laissé au citoyen a été limité à la loi d'un Etat dont le défunt possède la nationalité "afin d'assurer qu'il existe un lien entre le défunt et la loi choisie et d'éviter que le choix ne soit effectué avec l'intention de frustrer les attentes légitimes des héritiers réservataires". D'autres vont plus loin et estiment que la liberté de choix qu'offre le règlement sonnerait tout simplement le glas de toute idée de fraude en matière successorale.
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