Transmission : comment faire respecter ses volontés ?

Les risques du testament rédigé seul

Le testament est le document écrit par lequel toute personne précise, en cas de décès, l'organisation de la transmission de ses biens personnels. Il permet à son auteur, le testateur, de déroger aux règles légales prévues en matière de succession tout en respectant certaines limites, notamment celle tenant au respect de la réserve héréditaire. La rédaction d’un testament est aussi le moyen d'exprimer — ou plutôt de confirmer, si d'autres documents n'ont pas été établis par ailleurs — des volontés particulières post mortem, notamment concernant les funérailles, le choix de la sépulture, la garde d'un enfant mineur ou encore le don du corps à la science.

Un testament est nécessairement

  • écrit : il est inutile d'enregistrer ses dernières volontés sur une vidéo ou un enregistrement audio, même devant témoins : le testament verbal n'a aucune valeur juridique ;
  •  et personnel : il n'est pas possible d'écrire un testament à quatre mains. Par conséquent, les deux membres d'un couple doivent faire chacun leur propre testament.

La solution la plus simple et la plus économique consiste à écrire soi-même son testament sur papier libre. On parle alors de testament olographe. Celui-ci est valable dès lors qu'il est entièrement écrit à la main — pas de machine à écrire ni d'ordinateur — et qu'il est correctement daté et signé. La solution a toutefois quelques inconvénients. D’une part, le document, confidentiel par nature voire secret, peut n’être jamais retrouvé ou bien tardivement et des dispositions pourraient alors être prises au décès dans un sens opposé aux volontés du défunt. D’autre part, le testament est susceptible de tomber entre des mains indélicates qui seraient tentées de le faire disparaître en fonction des dispositions qu’il contient. Pour remédier à ces deux premiers écueils, Il est possible de déposer le testament que l’on a rédigé chez un notaire, qui le conservera, et de le faire enregistrer au Fichier central des dernières volontés, moyennant quelques euros : 26,92 € HT pour le dépôt et 10,74 € HT pour l'inscription.

Troisième écueil : il ne suffit pas seulement de savoir écrire pour rédiger son testament, il est important d’exprimer ses volontés sans ambiguïté au risque d’établir un acte incohérent, difficilement exécutable ou contraire à la loi. Par conséquent, prendre les conseils d’un notaire, surtout si les enjeux d’une succession sont complexes, c’est s’assurer, en principe, de l’efficacité juridique de son testament.

Bien évidemment, la solution qui consiste à se faire assister d’un notaire est nettement plus lourde à mettre en place et plus onéreuse que le testament olographe. On parle alors de testament authentique lorsque le testateur dicte à son notaire les dispositions qu’il entend prendre, en présence de deux témoins ou d’un autre notaire. La validité du document sera très rarement remise en question, le notaire étant le garant autant de son contenu que de sa forme. Le coût de l'opération est au minimum de 115,39 HT.

Etabli ainsi, le testament est normalement enregistré au Fichier central des dernières volontés même si ce n’est pas une obligation.

Le testament mystique : une solution hybride peu utilisée

Le testament mystique constitue une combinaison des testaments olographe et authentique. Parce qu'il en cumule les inconvénients plutôt que les avantages, il est en pratique très peu utilisé. Le testament mystique est un testament secret qui suppose que le testateur rédige lui-même son testament ou le fasse écrire ou dactylographier par un tiers et le signe et présente ensuite, en présence de deux témoins, l'acte clos selon une procédure assez lourde prévue par l'article 976 du Code civil.

De l’intérêt d’effectuer des déclarations anticipées

Nous l’avons évoqué, le testament peut aussi être le moyen de formuler diverses volontés d’ordre pratique. Seulement, s’il est établi par-devant notaire, le testament est généralement ouvert plusieurs semaines après les obsèques. Il est donc parfois trop tard pour faire machine arrière. Pour contourner le problème, il est tout à fait possible d’établir une simple déclaration, sous signature privée dûment datée ou par-devant notaire, qui aura la même force qu’une disposition testamentaire. Une telle déclaration peut être utile, par exemple pour donner des directives sur l’organisation de ses funérailles, désigner une personne devant assurer la garde d’un enfant mineur en cas d’accident ou pour indiquer aux proches la marche à suivre en cas de maladie et d’altération des facultés physiques et mentales.

Reste que ces déclarations spécifiques doivent être facilement accessibles. C’est à cette fin que certaines d’entre elles peuvent être aussi souscrites dans des circonstances précises. Par exemple, une personne malade peut désormais, si elle le souhaite, faire une déclaration appelée « directives anticipées » pour préciser ses souhaits concernant sa fin de vie (articles L. 1111-11 et R. 1111-18 et R. 1111-19 du Code de la santé publique). Un modèle de déclaration est accessible sur le site Service-public.fr. La déclaration peut bien sûr être communiquée aux proches ou une personne tierce de confiance. Elle peut aussi être intégrée dans le dossier médical partagé, de telle sorte que le médecin qui suit le patient en aura aussi connaissance. Les directives s’imposent au médecin sauf dans les cas d’urgence vitale nécessitant un temps d’évaluation complète de la situation ou de souhaits qui apparaissent inappropriés ou non conformes à la situation médicale, qui obligeront le médecin à consulter la personne de confiance ou la famille.

Don du corps : une déclaration formelle est nécessaire

Le don du corps à la science doit aussi faire l’objet d’une déclaration explicite, sur papier libre, datée et signée et envoyée à la faculté de médecine de son choix, dès lors qu’elle dispose d’un centre de dons. En échange de la demande, la personne reçoit une carte de donneur qui devra être conservée sur soi pour permettre le transfert du corps.

Quant au simple prélèvement d’organe ou de tissu, la loi prévoit aujourd’hui que le consentement est présumé, sauf si le défunt avait fait connaître son refus soit par le biais d’une simple déclaration sur papier libre, soit, pour plus d’assurance et surtout si le refus est total, par le biais d’une inscription au registre national des refus des dons d'organes. Les équipes médicales doivent consulter ce registre avant tout prélèvement.

Souscrire un contrat obsèques pour organiser ses funérailles

La souscription d’un contrat d’assurance obsèques est également le moyen de préciser les modalités de ses funérailles : inhumation ou incinération, lieu de sépulture, type de cérémonie, etc. Les informations sont alors communiquées à la famille en charge des funérailles. Il est bien sûr recommandé d’informer ses proches de la souscription d’un tel contrat.

Bon à savoir

L’article 433-21-1 du Code pénal dispose : "toute personne qui donne aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt ou à une décision judiciaire, volonté ou décision dont elle a connaissance, sera punie de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende".

Exécuteur testamentaire et mandataire à effet posthume : rôle et pouvoirs respectifs

Si l’on pense que le règlement de la succession posera des difficultés, il peut être utile de désigner un exécuteur testamentaire, personne de confiance qui, comme son nom l’indique, sera chargée de veiller à la bonne exécution des volontés du testateur. Une telle personne, qui n’est pas obligatoirement un membre de la famille, est nommée par le biais du testament ou par un acte séparé, daté et signé de son auteur ou établi par-devant notaire. Parce qu’elle n’est pas obligée d’accepter sa mission, il est préférable d’obtenir son accord avant de la désigner ou éventuellement de prévoir un exécuteur de substitution.

L’exécuteur testamentaire intervient, à des degrés différents, aux diverses étapes du règlement de la succession. Ses pouvoirs sont plus ou moins étendus selon la mission exacte que lui a confiée le défunt et selon que le défunt lui a donné la “saisine” ou pas. De façon générale, il assure une mission de confiance et de surveillance :

  • il fait apposer les scellés s’il y a des héritiers mineurs, majeurs en tutelle ou absents ;
  •  il fait faire l’inventaire de la succession ;
  •  il provoque la vente du mobilier, si l’argent nécessaire pour acquitter les legs fait défaut ;
  •  il veille à ce que le testament soit bien exécuté et peut, en cas de contestation, intervenir pour en soutenir la validité.

Les effets de la "saisine"

Le défunt peut avoir donné à son exécuteur testamentaire la “saisine”, autrement dit le droit d’administrer et de gérer, sans autorisation et sans pour autant être propriétaire :

  • de tout ou partie de son mobilier, uniquement,
  •  pour la durée de son pouvoir.

L’exécuteur “saisi” a le droit :

  •  de recevoir le montant des créances successorales,
  •  de conserver le produit de la vente du mobilier,
  •  d’acquitter les legs mobiliers.

En outre, en l’absence d’héritiers réservataires acceptants, le testateur peut étendre les pouvoirs de l’exécuteur testamentaire et l’habiliter à prendre certaines mesures, par exemple :

  • vendre des biens immobiliers à condition d’en informer préalablement les héritiers,
  •  recevoir et placer des capitaux,
  •  procéder au partage des biens.

L’exécuteur saisi doit rendre compte de sa gestion dans les 6 mois précédant la fin de sa mission.

L’exécuteur testamentaire dispose d’un délai de 2 ans après l’ouverture du testament pour accomplir sa mission, sauf prorogation par le juge. Passé ce délai, il perd tout pouvoir. Il ne peut être relevé de sa mission par le tribunal que pour des motifs graves.

Bon à savoir

L’exécuteur testamentaire exerce sa mission gratuitement, mais :

  • les frais engagés pour l’exécuter (d’inventaire, notamment) sont à la charge de la succession,
  •  et il est fréquent que le défunt lui ait témoigné sa gratitude par un petit legs, appelé “diamant”.

Le testateur a également la possibilité de désigner un mandataire à effet posthume qui sera chargé d'administrer ou de gérer tout ou partie de sa succession pour le compte et dans l'intérêt d'un ou de plusieurs héritiers identifiés. Le mandat est valable uniquement s'il est justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard d'un ou de plusieurs des héritiers ou du patrimoine successoral. Il doit être précisément motivé. La solution peut avoir son intérêt lorsque l'actif successoral est composé principalement d'une entreprise, laquelle demandera des compétences particulières.

Le mandat est nécessairement donné par un acte notarié et il doit être accepté avant le décès du mandant. La durée du mandat est en principe de 2 ans mais elle peut être de 5 ans dans certaines situations, ces deux durées étant prorogeables par décision du juge, saisi par un héritier ou par le mandataire.

La mission de l'exécuteur testamentaire prime sur celle du mandataire à effet posthume. Les pouvoirs du mandataire sont donc limités par ceux octroyés à l'exécuteur testamentaire.

Prévoir des legs sous condition : un autre moyen d’imposer ses volontés

Comme pour une donation, un legs peut être assorti de clauses diverses qui, sauf d’être illicites ou immorales, sont valables. Ainsi un legs peut-il être décidé :

  •  sous condition résolutoire, la réalisation de la condition entraînant la caducité du legs,
  •  sous condition suspensive, l’exécution du legs dépendant de la réalisation de cette condition (obtention d’un diplôme par exemple),
  • avec un terme, le testateur prévoyant une date déterminée pour son exécution,
  •  avec charges, le légataire étant tenu à une obligatoire particulière,
  •  avec réserve d’usufruit,
  •  sous la forme d’un legs résiduel, lorsqu’il est fait obligation au légataire de remettre à sa mort ce qui restera du ou des biens légués à un tiers désigné,
  •  sous la forme d’un legs graduel, imposant au légataire de transmettre à son décès le legs à un second bénéficiaire désigné (contrairement au legs résiduel, le légataire a ici l’obligation de conserver le bien reçu).

Bon à savoir

Si l’exécution des charges devient impossible ou particulièrement difficile, le bénéficiaire d’un legs peut demander au juge la révision ou la suppression des charges qui lui sont imposées (articles 900-2 à 900-5 du Code civil). La demande n’est recevable que 10 années au minimum après le décès du testateur.

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