Transmission : les principes généraux de la donation en 10 points-clés

Qui peut donner, quoi donner, comment faire une donation, etc. 10 questions simples pour comprendre rapidement le procédé de transmission anticipée du patrimoine.

Les donations permettent de gratifier de son vivant et rapidement une ou plusieurs personnes de son choix. Elles sont aussi le moyen d'anticiper sa succession et d'éviter les éventuels conflits entre les héritiers. Elles peuvent, à ce titre, faire partie d'une véritable stratégie de planification successorale. La liberté du donateur est toutefois encadrée. Présentation en 10 points-clés des principes généraux de fonctionnement des donations.

1/ Quel est le principe d'une donation ?

La donation est une convention par laquelle une personne – le donateur – se dépouille irrévocablement, de son vivant, de biens présents en faveur d'une autre personne – le donataire – qui l'accepte.
Sauf clause particulière, la donation implique un dessaisissement immédiat du bien appartenant au donateur, à l'inverse du legs prévu par testament qui est, lui, transmis à la suite du décès.

REMARQUE - On notera que la donation dite « avec réserve d'usufruit » permet néanmoins à des parents de conserver leur vie durant l'usage d'une maison ou d'un appartement et les revenus qui y sont attachés, les enfants recevant eux immédiatement une propriété dont ils jouiront pleinement au décès de leurs parents donateurs. La transmission est ainsi immédiatement opérée sans que les parents ne se démunissent totalement.

2/ Qui peut donner ?

Seuls le majeur ou mineur émancipé peut effectuer une donation. Il doit être sain d'esprit et avoir la capacité à donner sous peine de nullité. Le majeur sous tutelle ne peut consentir une donation que sur autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille. Le majeur sous curatelle doit être assisté de son curateur. En revanche le majeur sous sauvegarde de la justice peut librement faire une donation.

3/ Quoi donner ?

Une donation peut concerner un ou des biens mobiliers (meubles, véhicules, bijoux, tableaux ou autres objets de collection, etc.), immobiliers (maisons, appartements, terrains, etc.), des actifs financiers (par exemple, un portefeuille de valeurs mobilières) ou des liquidités. Bien évidemment, le ou les biens doivent impérativement appartenir au donateur au moment de la donation. Il n'est donc pas possible de donner un bien futur.

4/ À qui donner ?

Toute personne peut être gratifiée par le biais d'une donation : un enfant, un autre membre de la famille ou un tiers. La donation peut également être effectuée au profit d'une personne morale (association, établissement public, collectivité publique…).

5/ Pourquoi donner ?

En premier lieu, la donation permet au donateur de gratifier concrètement de son vivant un de ses proches. Le donateur peut vouloir ainsi, par exemple, aider un enfant ou un neveu à financer ses études, à s'installer ou à créer une entreprise. La donation apporte donc une réponse immédiate aux besoins du bénéficiaire, contrairement à un legs prévu par testament qui sera délivré uniquement au décès.

La donation est également le moyen de préparer sa succession de son vivant et d'anticiper les éventuelles difficultés ou conflits qui peuvent survenir entre les héritiers lors du partage des biens, même en présence d'un testament.

En outre, l'anticipation par le biais d'une ou plusieurs donations permet de réduire sensiblement le coût fiscal global de la transmission du patrimoine.

6/ Le recours au notaire est-il obligatoire ?

Par principe, tous les actes portant donation entre vifs doivent être passés devant notaire sous peine de nullité (article 931 du Code civil). Ce formalisme est imposé pour éviter que certaines personnes ne se démunissent, de leur vivant, trop vite et sans réfléchir. Le rôle du notaire est de s'assurer que le donateur a la pleine capacité de donner et de l'éclairer sur les effets de l'acte.

Toutefois, en pratique, l'intervention d'un notaire n'est pas toujours nécessaire. Le don manuel permet, par exemple, de s'en affranchir. Cependant l'acte notarié est parfois indispensable, notamment lorsque la donation porte sur un bien immobilier. Le notaire acte et fait enregistrer le transfert de propriété. L'acte notarié ici est obligatoire : aucun autre écrit ne serait valable.

Le passage devant le notaire est également requis si le donateur entend inclure des conditions ou des clauses particulières (donation avec réserve d'usufruit, donation graduelle, donation résiduelle, donation avec charge, etc.) ou si la donation revêt une forme particulière (donation-partage).

Le recours au notaire est aussi judicieux lorsque la donation envisagée est importante et/ou s'il y a un risque de conflit familial.

7/ Qu'est-ce qu'un don manuel ?

Le don manuel consiste en la transmission de la main à la main d'un bien mobilier ou d'une somme d'argent. Il peut aussi se matérialiser par la remise d'un chèque ou le virement d'une somme d'argent sur un compte.

Même si le don manuel ne requiert pas l'assistance d'un notaire, il doit normalement être déclaré à l'administration fiscale. La déclaration peut être spontanément effectuée lors de la transmission ou intervenir lors de la révélation du don – par exemple, lors du règlement de la succession – ou en cas de contrôle fiscal.

L'enregistrement du don manuel auprès de l'administration lui confère une date certaine et permet de figer sa valeur à la date de la déclaration. Cela peut éviter des déconvenues lorsque la révélation est faite ultérieurement.

REMARQUE - Tout cadeau n'est pas un don manuel. Offrir un bijou, une montre ou remettre une somme d'argent à l'occasion d'un évènement particulier – par exemple, lors d'un anniversaire, à Noël, lors de la remise d'un diplôme ou à l'occasion d'un mariage – ne constitue pas un don manuel, mais ce qu'on appelle un « présent d'usage ». La valeur du cadeau doit rester raisonnable et en adéquation avec les ressources du donateur pour ne pas être requalifié comme donation au sens juridique et fiscal. Les présents d'usage ne sont effectivement pas soumis aux droits de donation et ne seront pas pris en compte au moment de la succession.

8/ Combien ça coûte ?

Lorsque la donation est notariée, le notaire prélèvera des frais d'actes, des émoluments et autres honoraires.

Émoluments perçus par le notaire pour une donation

Tranches d'assiette de calcul

Donation de sommes d'argent, de titres cotés ou de créances

Donation d'autres biens

De 0 € à 6 500 €

2,322 % HT, soit 2,786 % TTC

4,837 % HT, soit 5,804 % TTC

De 6 501 € à 17 000 €

0,958 % HT, soit 1,149 % TTC

1,995 % HT, soit 2,394 % TTC

De 17 001 € à 60 000 €

0,639 % HT, soit 0,767 % TTC

1,330 % HT, soit 1,596 % TTC

Au-delà de 60 000 €

0,479 € HT, soit 0,575 % TTC

0,998 % HT, soit 1,1976 % TTC

Par ailleurs, la donation est soumise aux droits de donation. En fonction du lien de parenté, les barèmes et les abattements sont, à quelques exceptions près énumérées ci-après, similaires à ceux fixés pour les droits de succession. La plupart des exonérations prévues en matière de droits de succession sont également applicables aux donations (terres agricoles, bois et forêts, certains logements acquis neufs…). Cependant, on notera les spécificités suivantes :

  • les donations entre époux ou partenaires pacsés sont taxables (avec un abattement de 80 724 €), alors que les successions entre les mêmes personnes ne le sont pas ;
  • les donations consenties aux petits-enfants et aux arrière-petits-enfants font l'objet d'un abattement spécifique (respectivement fixé à 31 865 € et à 5 310 €, les deux abattements étant cumulables) ;
  • il existe des cas d'exonération spécifiques aux droits de donation : exonération plafonnée des dons familiaux de sommes d'argent (31 865 €), exonération pour les dons en faveur de victimes d'actes de terrorisme ;
  • les droits peuvent éventuellement faire l'objet d'une réduction réservée à certaines donations d'entreprises ;
  • le paiement fractionné des droits, autorisé pour les droits de succession, n'est pas admis pour les donations, sauf en cas de transmission d'entreprises.

L'organisation de donations successives, le jeu des abattements qui se reconstituent au bout de 15 ans ou encore la technique de la donation avec réserve d'usufruit – dans ce cas, l'assiette de calcul des droits se limite à la nue-propriété – sont autant d'opportunités pour minimiser voire annuler les droits fiscaux sur la transmission globale de son patrimoine.

BON À SAVOIR - Le donateur peut prendre à sa charge les droits à payer. Sur le plan fiscal, la prise en charge ne constitue pas une libéralité supplémentaire et n'est donc pas soumise aux droits de donation. Cependant, sur le plan civil, elle constitue une libéralité rapportable à la succession (voir §10 pour la notion de rapport).

9/ Peut-on changer d'avis ?

Donner c'est donner ! Une donation est, par principe, irrévocable à compter de l'acceptation du donataire. Cela signifie que le donateur ne peut pas revenir sur sa décision, même s'il se brouille ensuite avec le donataire ou rencontre de graves difficultés financières. Il faut donc faire attention avant de s'engager et ne pas se dépouiller inconsidérément. Sauf exceptions évoquées ci-après, toutes les donations sont concernées, quelle que soit leur forme – donation notariée, don manuel, donation indirecte ou donation déguisée – et qu'il s'agisse de donations simples ou de donations-partages.

Cependant, pour atténuer le principe d'irrévocabilité, la loi prévoit trois catégories d'événements exceptionnels autorisant la remise en cause d'une donation : la naissance d'un premier enfant chez le donateur, l'ingratitude du bénéficiaire, et l'inexécution des éventuelles charges imposées au bénéficiaire dans l'acte de donation.

BON À SAVOIR - La révocation pour inexécution des charges ou ingratitude n'a jamais lieu de plein droit. Elle doit passer par une décision de justice. Il appartient aux tribunaux d'apprécier les circonstances de fait. Pour la survenance d'enfant, la révocation est automatique pour les donations consenties avant le 1er janvier 2007. Pour celles réalisées après cette date, la révocation est possible seulement si elle a été prévue par l'acte de donation et il faut que le donateur la demande dans les 5 ans de la naissance ou de l'adoption plénière de son enfant ou de son dernier enfant, s'il en a plusieurs.

Par ailleurs, on retiendra que, dans le cas de donations de parents à enfants, le donateur dispose d'un droit de retour (légal ou conventionnel) lui permettant de récupérer le bien transmis dans le cas où le bénéficiaire mourrait avant lui, avec ou sans postérité.

Cas spécifique des donations entre époux

Les donations entre époux sont soumises à un régime dérogatoire au droit commun. Pour le cas très fréquent de la donation dite « au dernier vivant », portant sur un ou des biens qu'un époux laissera à son conjoint à son décès, celle-ci est librement révocable, quel que soit le régime matrimonial adopté. La révocation peut intervenir sans motif légitime, de façon expresse, par acte notarié ou testament, ou de façon tacite.

Les donations ordinaires entre époux consenties sur des biens présents obéissent à des règles différentes selon la date à laquelle elles ont été consenties. Celles qui ont été effectuées avant 2005 pendant le mariage demeurent révocables à tout moment. En cas de divorce, elles sont révoquées automatiquement. Pour celles consenties depuis le 1er janvier 2005, il faut distinguer selon que la donation pend effet ou non pendant le mariage : elle est irrévocable lorsqu'elle prend effet pendant le mariage, sauf hypothèses d'inexécution des charges ou d'ingratitude ; elle est librement révocable lorsqu'elle ne prend pas effet pendant le mariage (généralement au décès du donateur). Le divorce, quel que soit le cas, n'a aucune incidence sur ces donations, quand bien même celui-ci aurait été prononcé aux torts exclusifs de l'époux bénéficiaire.

10/ Quid des donations lors du règlement de la succession ?

Le rôle de conseil du notaire prend ici toute sa mesure puisqu'il aura à informer des conséquences de l'opération que le donateur entend réaliser, notamment en présence d'héritier(s) réservataire(s).

En premier lieu, sauf indication contraire de la part du donateur et hors cas particulier de la donation-partage, toute donation est présumée effectuée en avance de part successorale. La donation représente donc une avance sur la succession du donateur. Par conséquent, chaque héritier ayant bénéficié d'une donation du défunt est tenu d'effectuer le « rapport à la succession ». En présence de plusieurs héritiers, l'opération a pour but d'assurer l'égalité entre chacun d'eux prévue par la loi successorale. Se poseront alors notamment les questions de la valeur prise en compte et de l'éventuelle indemnité de rapport.

Par l'effet d'une manifestation de volonté du donateur, la donation peut toutefois échapper au rapport. On parle alors de donation hors part successorale, laquelle n'est ainsi plus comprise dans le partage de la succession.

En outre, la donation doit aussi tenir compte d'une éventuelle réserve héréditaire, à savoir la part de succession garantie aux enfants et au conjoint. C'est au décès qu'il est possible de déterminer si les libéralités (donations et legs) excèdent la quotité disponible, à savoir la part des biens et droits successoraux qui n'est pas réservée par la loi. À défaut, les libéralités consenties sont réductibles. Le notaire en charge du règlement de la succession procèdera à deux opérations, la première consistant à chiffrer la réserve et la quotité disponible, et la seconde à imputer les libéralités sur ces masses dans un ordre et selon des modalités précisément déterminées par la loi. L'enjeu de l'ordre d'imputation est important : plus tôt une libéralité est imputée sur une masse donnée, moins elle est exposée à la réduction. En cas de pluralité de donations, l'imputation commence par la plus ancienne et suit l'ordre chronologique. En d'autres termes, plus une donation est ancienne, plus elle est rapidement imputée et moins elle court de risque d'être réduite ; une règle qui conforte la logique d'anticipation en matière de transmission du patrimoine.

© Lefebvre Dalloz